Cillian
Monsieur tout le monde
Et alors ? Il faut que tu l'abandonnes. Ce monde ne te mérite pas. Il ne mérite pas ta vie. Il t'as déjà assez pris. Tu lui as deja assez donné. Elle parle ensuite de Marnie et mon poing se serre. Dire qu'elle n'était pas dans une démarche vertueuse est un euphémisme. C'est rien de le dire. Elle avait le mal au corps, cette femme, et le monde sans elle est un meilleur endroit. Et je ne sais pas si on peut rendre la justice à la place de Yevon. J'ai envie de la serrer contre moi pour faire sécher ses larmes, mais je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Elle a besoin d'exprimer ce qu'elle a sur le cœur, même si je ne suis pas d'accord.
Je regarde ses mains quand elle en parle. Je ne suis pas d'accord. Elles ne sont pas sensées mettre fin à l’existence de Sin. Il y a tant d'autres personnes pour le faire. Des personnes qui n'ont fait que bénéficier tout au long de leur vie. Le fait que tu te sacrifie, ce serait ça la vraie injustice, Ryme. Et je ne suis pas convaincu que Marnie était autant en faiblesse psychologique que ça. Quelqu'un en faiblesse psychologique n'établit pas des plans comme ça. Ne va pas chercher des autres comme ça pour faire son sale boulot.
Par contre, il est vrai que même si elle était ce qu'elle était, la mort de Marnie laissera un vide dans le cœur de ceux qui l'aimait. C'est certain. Toutes les morts font ça. Mais Marnie s'était avancée elle même sur le chemin de la destruction. Et je pense que tous, même Gilgo, le savaient bien. Depuis la dernière fois, j'ai le sentiment que tout le monde se doutait que ça finirait ainsi. C'est sinistre, mais … Le monde l'est, au final.
Ce qu'elle dit ensuite m’énerve un peu. On en a déjà discuté. Encore une fois, elle a cette sorte de pulsion maudite. De croire qu'elle ne vaut rien, si ce n'est que par ce qu'elle fait, ou ne fait pas. Et qu'elle gâche mon existence.
Je soupire avant de m'asseoir par terre.
« Personne n'est mort a cause de toi. Marnie est morte au moment où elle a accepté l'aide de Vilhatt pour me voler à toi. Elle est morte à chaque moment où on l'a laissée partir en paix et où elle a choisi de continuer ses méfaits. Personne ne l'a forcée à continuer. Je ne pense même pas que Vilhatt avait cette emprise sur elle. Elle s'est d'elle même jetée sur le chemin sombre qu'elle a suivi. »
Je me recroqueville un peu. Mes muscles sont en feu.
« Elle a décidé d'elle même d'attaquer un membre du clergé de Yevon. A plusieurs reprises. Elle a d'elle même décidé de tuer un membre du clergé. Tu as lancé un sort que tu ne connaissais même pas pour défendre la vie d'un ancien Gardien et la tienne, celle d'une Invokeuse. Si ça c'est pas une intervention divine, je ne sais pas ce que c'est du tout. »
Je ferme l'oeil quelques secondes avant de le rouvrir.
« Et tu es une Invokeuse, Ryme. Les seules personnes qui peuvent dire qui est Invokeur et qui ne l'est pas l'ont décidé. »
Je point son cœur du doigt.
« Tu le sais autant que moi Ryme, ceux qui ne méritent pas, ceux qui ne sont pas dignes, ils ne sont pas acceptés par les Priants. Et je suis sur que c'est ça qui rends Vilhatt fou de colère. »
Je soupire.
« Je ne dis pas que ce qui s'est passé est sans gravité. Tuer quelqu'un, c'est quelque chose de lourd. C'est quelque chose que tu va devoir apprendre à porter avec toi. Mais ça fait aussi partie de la vie d'Invokeur, Ryme. Que ce soit par ta main ou par celle de tes gardiens, des gens vont mourir. Parce qu'ils voudront t’empêcher de continuer ton pèlerinage. Parce qu'ils penseront que tu es une cible facile. Je ne dis pas que tu vas tuer des gens à la pelle, non. Ce n'est pas là la vocation d'Invokeur. Mais ce sont des choses qui arrivent. »
Un autre soupire s’échappe de mes lèvres alors que je plonge mon visage dans mes mains.
« Et … Je suis désolé Ryme, mais nos existences sont liées depuis que l'on s'est rencontrés. Ce que je vais dire risque de te sembler un peu froid, mais ce n'est pas parce que tu l'as décidé que Vilhatt va arrêter de vouloir te faire du mal. Ou de vouloir me faire du mal. Je pense sincèrement que l'on sera plus faibles si on se sépare. Rien que ça. »
Je retire mes mains de ma tête et la regarde.
« Et je ne pense pas qu'il t'as brisé. Au contraire. D'une certaine façon, il t'as donné une leçon. Difficile a digérer, je le conçois, mais qu'il ne faut pas que tu oublies. Le chemin de l'Invokeur est taché de sang. Tout le monde n'est pas aussi gentil que moi pour tenter d’arrêter les pèlerinages. Mais je comprends que ce soit dur pour toi. Lavons nous, et allons nous coucher. La nuit porte conseil, mon amour. Et demain, il nous faut partir. Je pense qu'on aura besoin de tout le repos que l'on peut avoir. »