Ryme
Invokeure
Sam 16 Juil 2022 - 10:10
Nombreux furent les cris de joie et les pleurs, lorsque Ryme rentra enfin à Bevelle. En premier, les murmures glissèrent sur son passage ( « Est-ce que c’est bien elle ? » ; « La Voix Rouge, que fait-elle ici ? » ; « Du sang ? C’est bien du sang ?... ») avant d’enfler jusqu’à devenir rumeur puis, celle-ci se mua en un écho oubliable pour se faire tonnerre dans la ville sainte. Accompagnée par Gordias, l’Invokeure s’était présentée au temple et, avec une sincérité peut-être trop vive pour être questionnée, annonça renoncer à son voyage. Les ecclésiastiques, tous au courant des raisons qui avaient poussé la célèbre chanteuse à partir sur la route, n’osèrent pas l'interroger lorsqu’ils remarquèrent qu’elle serait contre sa poitrine amaigrie par le pèlerinage, la rame de Cillian. Tout du moins, un fragment recouvert de sang.
Des acolytes feignant la compassion l’avaient alors conduite dans une chambre à part du temple, lui proposant rafraichissements et soins.
Quelques jours plus tard, la nouvelle éclata dans toute la région de Bevelle : Ryme était de retour parmi les Voix. La chambre qui fut sienne pendant des années était à présent occupée par une autre personne, un certain Jonah. Alors, on la plaça dans une des cellules bien moins luxueuse et chatoyante. Cependant, avec un lit, une armoire ainsi qu’une salle de bain privative, cette alcôve était déjà bien plus que certains Spiraliens possédaient. Maintenant et plus que jamais, il fallait prier Yevon afin que leur plan puisse fonctionner. D’après les échos qui lui parvenaient, Ryme savait que Gordias était reçu avec les honneurs, ayant réussi l’impossible aux yeux des responsables des Voix : protéger leur précieuse pupille, mais également la faire renoncer à sa folle quête.
Presque un mois et demi c’était écoulé depuis. Vilhatt n’était pas paru, sans doute méfiant ou encore dans la jubilation de sa victoire. Peu importait les raisons qui le poussaient à se tenir à distance, Ryme ne pouvait que remercier le Ciel de lui accorder cette paix. Si, lors de son périple, elle avait pensé que reprendre sa vie au sein de la troupe lui serait impossible après avoir vu tant de choses, il n’en était rien. Peut-être plus que tout, cela lui causait du tort. Aussitôt la porte des salles de répétition franchie, son masque de Voix Rouge se plaquait de nouveau sur son visage, tirant ses lèvres d’un aimable sourire factice. Pourtant, même si cela lui coûtait, chanter lui avait manqué. Sa voix de velours glissait hors de ses lèvres comme une rivière de perle et de diamants. La blessure de Marnie lui laissait un léger grain dans la gorge, mais qui, maintenant, n’était pas pour lui déplaire. Il lui semblait qu’avant, sa voix était bien trop parfaite et lisse, le pur produit des désirs de l’Église.
Ainsi, malgré son absence ainsi que la nouvelle hiérarchie qui s’était établie depuis son départ, les prêtres des Voix parlaient déjà de programmer son grand retour pour un concert sans précédent au sein du temple. Un plaisir non simulé avait alors illuminé le regard de Ryme tandis que la brûlure de la culpabilité lui dévorait les entrailles. Ce système pourri la favorisait une fois de plus ; écrasant le reste, mais, elle en tirait du plaisir. Peut-être était-elle tout aussi répugnante que Vilhatt, après tout.
Hormis cette gloire trop promptement retrouvée d’après certains, la différence avec le reste de la troupe était la présence de garde aux côtés de la jeune femme. Toujours flanquée d’au moins deux gardes, ces derniers attendaient devant sa porte jour et nuit, l’accompagnaient partout lorsqu’elle était hors de sa chambre. L’argument qui avait été avancé par le clergé était la crainte des représailles de la population envers l’abandon du pèlerinage de Ryme ; cependant, elle savait très bien que jamais les habitants de Spira ne l’avaient vu autrement que part son statut d’ancienne Voix. Si, lors de son périple, cela lui causait bien des tourments, elle voyait à présent combien sa présence avait pu faire du bien à des personnes dans des régions plus reculées comme Besaid ou Kilika où, malheureusement, les Voix ne venaient jamais.
Néanmoins, la présence de cette garde – attendue – n’était pas des plus pratiques ; d’autant plus qu’elle se désespérait de voir le profil de Cillian ou de Garan dans l’un des costumes de moine guerrier. Cela était sans doute bien trop rapide ; elle ignorait tout des conditions d’attributions des postes, mais en presque deux mois à Bevelle, elle eût espéré pouvoir grappiller quelques moments avec la personne qui partageait son coeur. Une fois la nuit tombée, dans la solitude de sa chambre, trop souvent elle pensait à Cillian. Elle s’inquiétait pour lui : tous savaient qu’il existait un risque pour que quelqu’un le reconnaisse et ne le dénonce à Vilhatt, qui, il ne fallait en douter, le jetterait une nouvelle fois dans les mâchoires de la Via Purifico. Lorsque son coeur n’était pas bordé par de sombres oraisons, Ryme manquait son toucher sur sa peau, la façon dont ses lèvres glissaient contre sa gorge ou le poids à la fois terriblement lourd et léger que leurs baisers pouvaient avoir.
Son reflet dans le miroir, à l’évocation de ces instants délicieux, rougit. Ryme baissa le nez, presque honteuse de ne penser qu’à ces aspects de leurs relations alors qu’ils se trouvaient à présent dans la gueule du loup. Elle reposa sa brosse sur la coiffeuse et comme tous les soirs, déposa quelques gouttes de parfum au creux de ses poignets ainsi que derrière ses oreilles. Une ancienne habitude qu’elle avait prise lorsqu’elle était encore la favorite de Vilhatt, afin de se libérer de la puanteur des actes qu’elle commettait sans sourciller. Elle se coucha, une boule au creux du ventre.
Le temple sonna deux heures du matin. L’été s’étalait dans l’air et ce septième mois de l’année était bien plus étouffant que la normale. Ryme ne parvenait pas à trouver le sommeil, le corps emprisonné dans un étrange voile de sueur. Elle enfila une robe légère et se présenta à la porte de sa chambre. Les deux gardes ensommeillés la regardèrent avec confusion.
— Je désire me rendre dans les jardins, il m’est impossible de dormir, déclara-t-elle simplement avec une autorité qui ne saurait être discutée.
Les deux moines guerriers opinèrent du chef et l’accompagnèrent en restant à une distance raisonnable. Ryme traversa le temple avant d’arriver à l’intérieur de la cour. Une douce odeur de mer et de jasmin flottait, ravivant des souvenirs de sa rencontre avec Cillian. Les jardins de l’hôpital possédaient la même odeur. Elle s’avança vers un belvédère et s’y installa, le regard plongé dans les étoiles. Le firmament paraissait bien pauvre en comparaison des merveilles que lui avait offert Besaid. Un soupir quitta ses lèvres.
Des acolytes feignant la compassion l’avaient alors conduite dans une chambre à part du temple, lui proposant rafraichissements et soins.
Quelques jours plus tard, la nouvelle éclata dans toute la région de Bevelle : Ryme était de retour parmi les Voix. La chambre qui fut sienne pendant des années était à présent occupée par une autre personne, un certain Jonah. Alors, on la plaça dans une des cellules bien moins luxueuse et chatoyante. Cependant, avec un lit, une armoire ainsi qu’une salle de bain privative, cette alcôve était déjà bien plus que certains Spiraliens possédaient. Maintenant et plus que jamais, il fallait prier Yevon afin que leur plan puisse fonctionner. D’après les échos qui lui parvenaient, Ryme savait que Gordias était reçu avec les honneurs, ayant réussi l’impossible aux yeux des responsables des Voix : protéger leur précieuse pupille, mais également la faire renoncer à sa folle quête.
Presque un mois et demi c’était écoulé depuis. Vilhatt n’était pas paru, sans doute méfiant ou encore dans la jubilation de sa victoire. Peu importait les raisons qui le poussaient à se tenir à distance, Ryme ne pouvait que remercier le Ciel de lui accorder cette paix. Si, lors de son périple, elle avait pensé que reprendre sa vie au sein de la troupe lui serait impossible après avoir vu tant de choses, il n’en était rien. Peut-être plus que tout, cela lui causait du tort. Aussitôt la porte des salles de répétition franchie, son masque de Voix Rouge se plaquait de nouveau sur son visage, tirant ses lèvres d’un aimable sourire factice. Pourtant, même si cela lui coûtait, chanter lui avait manqué. Sa voix de velours glissait hors de ses lèvres comme une rivière de perle et de diamants. La blessure de Marnie lui laissait un léger grain dans la gorge, mais qui, maintenant, n’était pas pour lui déplaire. Il lui semblait qu’avant, sa voix était bien trop parfaite et lisse, le pur produit des désirs de l’Église.
Ainsi, malgré son absence ainsi que la nouvelle hiérarchie qui s’était établie depuis son départ, les prêtres des Voix parlaient déjà de programmer son grand retour pour un concert sans précédent au sein du temple. Un plaisir non simulé avait alors illuminé le regard de Ryme tandis que la brûlure de la culpabilité lui dévorait les entrailles. Ce système pourri la favorisait une fois de plus ; écrasant le reste, mais, elle en tirait du plaisir. Peut-être était-elle tout aussi répugnante que Vilhatt, après tout.
Hormis cette gloire trop promptement retrouvée d’après certains, la différence avec le reste de la troupe était la présence de garde aux côtés de la jeune femme. Toujours flanquée d’au moins deux gardes, ces derniers attendaient devant sa porte jour et nuit, l’accompagnaient partout lorsqu’elle était hors de sa chambre. L’argument qui avait été avancé par le clergé était la crainte des représailles de la population envers l’abandon du pèlerinage de Ryme ; cependant, elle savait très bien que jamais les habitants de Spira ne l’avaient vu autrement que part son statut d’ancienne Voix. Si, lors de son périple, cela lui causait bien des tourments, elle voyait à présent combien sa présence avait pu faire du bien à des personnes dans des régions plus reculées comme Besaid ou Kilika où, malheureusement, les Voix ne venaient jamais.
Néanmoins, la présence de cette garde – attendue – n’était pas des plus pratiques ; d’autant plus qu’elle se désespérait de voir le profil de Cillian ou de Garan dans l’un des costumes de moine guerrier. Cela était sans doute bien trop rapide ; elle ignorait tout des conditions d’attributions des postes, mais en presque deux mois à Bevelle, elle eût espéré pouvoir grappiller quelques moments avec la personne qui partageait son coeur. Une fois la nuit tombée, dans la solitude de sa chambre, trop souvent elle pensait à Cillian. Elle s’inquiétait pour lui : tous savaient qu’il existait un risque pour que quelqu’un le reconnaisse et ne le dénonce à Vilhatt, qui, il ne fallait en douter, le jetterait une nouvelle fois dans les mâchoires de la Via Purifico. Lorsque son coeur n’était pas bordé par de sombres oraisons, Ryme manquait son toucher sur sa peau, la façon dont ses lèvres glissaient contre sa gorge ou le poids à la fois terriblement lourd et léger que leurs baisers pouvaient avoir.
Son reflet dans le miroir, à l’évocation de ces instants délicieux, rougit. Ryme baissa le nez, presque honteuse de ne penser qu’à ces aspects de leurs relations alors qu’ils se trouvaient à présent dans la gueule du loup. Elle reposa sa brosse sur la coiffeuse et comme tous les soirs, déposa quelques gouttes de parfum au creux de ses poignets ainsi que derrière ses oreilles. Une ancienne habitude qu’elle avait prise lorsqu’elle était encore la favorite de Vilhatt, afin de se libérer de la puanteur des actes qu’elle commettait sans sourciller. Elle se coucha, une boule au creux du ventre.
Le temple sonna deux heures du matin. L’été s’étalait dans l’air et ce septième mois de l’année était bien plus étouffant que la normale. Ryme ne parvenait pas à trouver le sommeil, le corps emprisonné dans un étrange voile de sueur. Elle enfila une robe légère et se présenta à la porte de sa chambre. Les deux gardes ensommeillés la regardèrent avec confusion.
— Je désire me rendre dans les jardins, il m’est impossible de dormir, déclara-t-elle simplement avec une autorité qui ne saurait être discutée.
Les deux moines guerriers opinèrent du chef et l’accompagnèrent en restant à une distance raisonnable. Ryme traversa le temple avant d’arriver à l’intérieur de la cour. Une douce odeur de mer et de jasmin flottait, ravivant des souvenirs de sa rencontre avec Cillian. Les jardins de l’hôpital possédaient la même odeur. Elle s’avança vers un belvédère et s’y installa, le regard plongé dans les étoiles. Le firmament paraissait bien pauvre en comparaison des merveilles que lui avait offert Besaid. Un soupir quitta ses lèvres.