Ryme
Invokeure
Chaque minute passée en sa compagnie était une véritable torture. Bien décidé a ne pas laisser échappé son bel oiseau chanteur, il décida d'adapter les punitions. Au lieu de la frapper ou d'aggraver sa blessure si elle désobéissait, il en créait une nouvelle. Une marque en forme de V, juste à la lisière des côtes et du sein gauche de la Voix avait commencé à apparaître. À chaque insolence, chaque défiance, il gravait un peu plus la peau. Cela ne laissait pas de traces visibles, comme une claque et si, Cillian voyait cette marque, c'était tout bonnement qu'il avait un comportement indécent avec elle et ainsi, il pourrait le punir avec toute la fougue de son imagination.
Cependant, c'était un homme de parole. Ryme avait décidé de se plier à ses exigences s'il redonnait de la nourriture et un confort convenable à Cillian. Le lendemain de leur premier, petit tête à tête, le jeune homme avait eu de la viande à manger et non pas une des immondes soupes qu'on lui servait usuellement. Bien qu'il était parfois fait la mort dans l'âme, ce petit sacrifice, lui semblait bien peu par rapport à ce qu'il avait subi pour quelques minutes ensemble. Et puis, il fallait avouer qu'une meilleure nourriture ne pourrait qu'accélérer sa guérison. Plus vite il serait remis sur pied, plus vite, il pourrait quitter l'hôpital et retrouver son île. Plus vite Ryme pourrait l'oublier. Il lui avait assuré qu'il était là pour l'aider à briser ses chaînes. La seule issue pour elle était de devenir une Invokeure. Maintenant qu'elle avait comprit le poids du rôle d'un Gardien, elle ne tenait pas à ce qu'il devienne le sien. Si sa propre mort ne lui faisait pas vraiment peur, celle d'un monde où Cillian aurait disparu lui était presque insoutenable. S'il était en vie, elle savait qu'elle pourrait voir son sourire ou le toucher un peu, en faisant un caprice de Diva pour aller à Besaid.
Ainsi, malgré les sensations qui virevoltaient dans son corps et dans son cœur à chaque fois qu'elle posait les yeux sur lui, la jeune femme se faisait violence. Elle ne cherchait plus autant son contact, ni ses paroles réconfortantes. Peut-être, était-il vexé ou avait-il compris ? Ou alors, il considérait tout cela comme un mensonge, la seule chose qu'il semblait arborer. La solitude ne lui pesait pas tellement, car, une fois que l'on sut qu'elle parlait de nouveau, beaucoup s'empressait pour venir lui dire un petit mot gentil ou encourageant. Et puis, il fallait dire que réapprendre à marcher n'était pas une chose facile bien qu'elle accaparait la plupart de son temps. Monseigneur Vilhatt avait sans doute planifié la chose, puisque les seuls moments de répit que la jeune femme avait était occupé par du temps qui lui était destiné.
Mais, il arrivait encore que Ryme puisse grappiller quelques minutes voire quelques heures de liberté, au prix de l'initiale gravée ou juste en réussissant à sortir, à la tombée de la nuit, lorsque la plupart des patients rentraient pour souper.
Nous étions vendredi. La veille, la Voix avait passé l'entièreté de son jeudi avec son bourreau, qui encore une fois, avait eut une nouvelle exigence. La mine sombre, la jeune femme tournait et retournait le problème dans son esprit. Même l'apaisante complainte du grand chêne grinçant et crissant n'arrivait pas à vider son cerveau du marasme dans lequel on l'avait projetée. Un mariage, le mois prochain. Son mariage. Avec Vilhatt. L'idée lui retournait l'estomac et rien que le fait de savoir qu'elle ne pourrait pas y échapper la révoltait encore plus. Sa gorge se serra. Cette fois-ci, elle n'avait vraiment plus d'échappatoires.
Lentement, elle tourna la tête vers l'hôpital. Elle aimait cet endroit autant qu'elle le détestait. Puis, son regard fut attiré par une silhouette familière, celle de Cillian. Elle ne lui avait pas encore parlé de la journée, puisqu'hier, elle n'avait pas passé la totalité de la nuit dans ses quartiers. Sans réellement savoir pourquoi, la jeune femme se releva. Et commença à marcher.
Elle s'aidait de deux cannes, une dans chaque main, sa démarche était grotesque et maladroite. Elle n'irait pas loin, elle le savait très bien, en quelques foulées, il pourrait la rattraper facilement. Une de ses aides glissa dans sa main moite, mais elle ne s'arrêta pas. Il ne devait pas la voir comme ça, pas maintenant. Quelques secondes plus tard, elle était surprise de ne pas avoir entendu son nom ou d'avoir été confronté aux sourcils froncés désapprobateurs du jeune homme. Elle s'arrêta. Personne. Y avait-il, seulement, eut quelqu'un ?
"Tu perds la tête, ma pauvre." se dit-elle en soupirant profondément tandis qu'un pincement réveilla des sentiments qu'elle essayait d'enfouir au plus profond de son être.