Une étreinte et une forme de douce certitude. Tout ce dont Ryme avait besoin. Comment faisait-il pour la lire aussi simplement, elle qui autrefois prenait grand soin de verrouiller ses pensées ainsi que son cœur ? Peut-être était-ce là, au final, le pouvoir d'une relation vraie, réelle et sincère. Dans la mesure du possible, les choses entre eux étaient simples. Il n'y avait pas besoin de mentir, pas de faux-semblants ou d'entourloupes. Juste la profondeur de leurs sentiments qui les reliait avec force. La boule d'angoisse et de tristesse reflua dans l'estomac de l'Invokeure alors qu'elle recevait avec joie, le baiser sur le front qu'il lui offrait. Ce petit geste, elle l'aimait beaucoup. Comme un jeune coeurl, elle pressait toujours un peu sa tête en avant à chaque fois que les lèvres de Cillian venait se poser là. Si elle pouvait ronronner, il était certain que Ryme le ferait pour lui.
La blague quant au premier baiser de la jeune femme lui tira un rire ; en même temps, ce n'était guère difficile d'être plus capable qu'un enfant d'une dizaine d'années pour qui, un baiser se devait d'être baveux. Cependant, la remarque d'avant ne tomba pas dans l'oubli : elle n'en revenait pas d'être la première fois qu'il avait embrassé. Qu'il ne partageât jamais sa couche avant elle avait déjà été une surprise, mais savoir qu'il n'avait jamais cédé ses lèvres à personne d'autre lui envoya un petit courant électrique dans le corps. Ryme avait beau dire qu'il était son premier amour, à part des choses insignifiantes – à ses yeux, elle ne lui avait jamais offert de première. Elle, égoïstement, avait récolté bien des pucelages chez lui. Aurait-elle gardé tout ça si elle avait eut le choix ? Aurait-elle succombé à la pression sociale et aux cancans ? Peut-être. Si elle avait été une fille normale, avec une vie normale... Imperceptiblement, elle secoua la tête, chassant ces mauvaises pensées tandis qu'il se détachait d'elle pour basculer dans l'onde.
Sa chevelure brune s'étira dans l'eau, comme un réseau de kelp. Le cœur de Ryme manqua un battement alors que son regard circulait sur son abdomen couturé. La jeune femme le trouva bien plus que beau. Sa gorge se serra un peu : qui était-elle pour mériter pareille grâce de Yevon ? Pourquoi acceptait-il de rester avec elle alors qu'elle était la cause même de ses tourments ?
Bien heureusement, il lui demande ce qu'elle pensait de l'endroit tout en baillant. Les obscurs songes s'envolèrent à nouveau alors que Ryme faisait circuler son regard autour d'elle. Le cadre était somptueux, la végétation enchanteresse et les cascades magnifiques. C'était la vidéo-sphère postale qu'elle avait toujours imaginée. C'était un lieu qu'elle avait fantasmé tant de fois à l'hôpital tant et si bien qu'elle avait un peu de mal à croire que tout cela était bien réel.
— C'est magnifique. Je crois que je n'ai pas les mots pour décrire ce que je pense vraiment. Tu sais... Quand on était à l'hôpital, tu m'as souvent parler d'endroits de l'île. Et c'est exactement ce que je m'étais imaginé.
Un sourire radieux passa sur ses lèvres. Toucher du doigt une réalité que l'on n'avait pu qu'imaginer avait quelque chose d'étourdissant. Mais aussi de diablement satisfaisant. Ryme aimait son temps sur Besaid d'autant plus que l'île avait longtemps représenté le saint-Graal pour elle. Son voyage semblait n'avoir toujours eut comme but que Besaid. 'Ferme les yeux, on est sur une plage...' le souvenir de ce leitmotiv lui revint en mémoire. Il n'y avait plus besoin de fermer les yeux à présent. Une note de nostalgie lui étreignit le cœur à la saveur douce-amère de la mélancolie et du regret. Si seulement ils n'avaient pas été attrapés... Lui aussi aurait probablement le même sentiment.
— Cela dit, j'aimerai enquêter sur quelque chose si tu me le permets, dit-elle en se rapprochant, ne remarquant guère la lourdeur des paupières de son compagnon.
— Je n'arrive vraiment pas à croire que je suis la première fille que tu aies embrassé. Je suis certaine que tu me fais marcher ! Déclara-t-elle en appuyant doucement ses doigts sur son ventre, comme une chatouille mais bien moins vigoureuse.
Cependant, il n'y eut pas de réponses. Ryme remarqua alors qu'il était endormi. La journée avait-elle été aussi éprouvante que cela ? Peut-être. L'Invokeure ne savait pas évaluer le degré de fatigue que son entraînement sous la cascade avait provoqué. Ils avaient fait l'amour, mais d'ordinaire cela ne l'épuisait que raisonnablement, surtout à présent qu'il avait repris un peu de sa superbe... Peut-être que le vol avec Valefor lui avait causer beaucoup trop d'émotions ? Avec un sourire tendre, elle attrapa ses deux épaules et le ramena près de la rive, pour que son dos puisse reposer contre une pierre plate. On lui avait toujours dit que la première cause de mortalité parmi les gens des îles étaient les noyades. Il avait beau savoir nager, faire la sieste en plein lac n'était pas la meilleure des idées.
Soudain, une vive douleur lui saisit les côtes. Instinctivement, Ryme porta sa main sur la zone douloureuse. Lorsqu'elle décolla sa main de sa peau mouillée, celle-ci était maculée de sang. Le sien. Paniquée, elle regarda aux alentours pour savoir s'il n'y avait pas un monstre ou un adversaire dans son champ de vision. Néanmoins à mesure que son regard circulait autour d'elle, la fatigue commençait à lui paralyser aussi le corps. Maladroitement, Ryme quitta l'eau et attrapa sa canne. Elle essaya de concentrer sa magie, mais elle n'arrivait pas à lancer un sortilège. Le flot mystique semblait s'être tari dans ses veines. Son cœur se mit à battre un peu plus fort et elle essaya, en vain de réveiller Cillian.
— Quand je pense qu'ils ont cru à notre histoire. Comme quoi, Marnie avait raison, ils sont beaucoup trop gentils pour être dangereux, déclara une voix qui s'envola par la suite dans un rire.
— J'espère que l'église sera sympa avec nous. Après tout, on fait leur sale boulot là !
— M'en parle pas, j'ai hâte de quitter cette île pourrie et de retourner à Bevelle.
Les silhouettes de Flaca et Cassiopée se dessinèrent alors. Seulement, cette fois-ci, les deux femmes étaient équipées pour le combat. Ryme se laissa tomba contre le corps de Cillian, encore consciente des évènements, mais plus pour longtemps. Elle attrapa une pierre et sur la roche, commença à écrire un message discrète mais visible si on s'intéressait à la rive.
— C'est une bonne idée de l'avoir endormi quand même, l'autre. Je suis pas sûre qu'on aurait pu le battre.
— D'ailleurs qu'est-ce qu'on en fait ? On l'emporte aussi ?
— Nan, on nous a dit de prendre uniquement Ryme. On peut rien faire, j'te rappelle : il est pur.
Le reste de la conversation se mélangea, le monde devint sombre. Le dernier souvenir de Ryme fut la cruelle séparation de son corps et celui de Cillian.
***
Quelques heures plus tard, le soleil commençait déjà à embrasé le ciel de l'île. L'heure idéale pour une dernière promenade sur les plages. Cependant, c'était un tout autre événement qui animait le village. Une battue avait été organisée pour retrouver Cillian et Ryme. Jienne était en tête du cortège qui menait à la cascade. Lorsqu'elle aperçut le corps de son frère dans l'eau, son cœur manqua un battement et un cri rauque perça sa gorge tandis qu'elle se précipitait vers lui.
— Cil ? Cil ?! CIL ?!!