Quand Kiera ouvrit la bouche, Soren avala son café de travers. Il toussa à plusieurs reprises, ignorant autant que possible les regards réprobateurs qui se posaient sur sa nuque. Pourquoi fallait-il toujours que Kiera en remette une couche ? Il se racla la gorge, jeta un regard contrarié à la jeune femme, avant de boire – doucement – une gorgée de café. « Bref. » siffla-t-il du tac-au-tac, tout en espérant que les curieux retourneraient à leurs affaires. Mais c’était peine perdue.
Kiera termina son petit-déjeuner avant que Soren n’ait trouvé la force de quitter sa chaise. Il attendit que son acolyte quitte la salle de repas pour prendre son courage à deux mains, et se lever. Il grimaça et réprima un grognement, tout en faisant comme s’il n’avait pas remarqué les regards insistants qui se posaient sur lui. Il soupira, agacé, et traina son corps endolori. Il piocha généreusement dans le buffet – brioche encore chaude, œufs brouillés et saucisses fumées – avant de reprendre un café. Il regagna sa place avec une grimace, puis mangea avant appétit. Il songea brièvement à la route, qui ressemblait désormais à une traversée des enfers. Entre ses courbatures et les restes de blessures, il redoutait déjà le moment où il devrait marcher. Si on maintient une bonne cadence, lui avait répliqué Kiera… Soren songea que, dans son état, ils n’étaient pas certains d’atteindre la ville. Toutefois, l’idée d’une nuit à la belle étoile – loin d’un lit confortable – lui tira une grimace.
Son repas terminé, Soren se résigna à aller acheter un matériel de soin à l’auberge. Il espéra ne pas tomber nez-à-nez avec Kiera, et pour son plus grand soulagement, il ne croisa pas son chemin. Il dépensa une jolie somme en bandages, baumes, onguents, herbes et médicaments. La jeune vendeuse lui épargna tout commentaire, et Soren lui en fut reconnaissant. Il regagna finalement la chambre, attrapa ses affaires, et trouva un endroit où s’isoler. Soren retira son haut, et appliqua méthodiquement un mélange d’herbes et d’onguent sur les bandages de tissu. Il enroula le tissu autour de son torse , pestant de temps à autre. Il savait que sa magie aurait probablement un effet sur la douleur, mais il savait également que ce ne serait pas suffisant. La bande de tissu lui échappa des mains, et Soren posa son regard sur sa paume ouverte. Malgré lui, les paroles du priant d’Ixion s’immiscèrent dans son esprit. Soren inspira profondément. Puis, il attrapa son épée. Kiera ne lui repprocherait pas un petit quart d’heure de retard. Ou tout du moins, pas plus que d’habitude.
Il la retrouva à l’entrée de l’auberge. Il lui suffit d’un regard pour comprendre que Kiera était plongée dans ses pensées. Soren jeta un sac sur son épaule, et se dirigea dans sa direction. La jeune femme remarqua rapidement sa présence et s’approcha. Il était temps de prendre la route. Soren approuva, et prirent la route en direction de Luca. Toutefois, Kiera n’attendit pas plus de quelques minutes avant de s’armer de son sourire moqueur. En sentant son regard sur lui, Soren se tourna dans sa direction. Juste assez pour croiser l’air espiègle de Kiera, avant que celle-ci n’ouvre la bouche. Après deux commentaires sur ses courbatures, la jeune femme ne se priva pas de poser sa main contre son dos. Soren pinça un grognement douloureux et lança un regard réprobateur à Kiera. Toutefois, son expression s’effaça au bout de quelques secondes. Soren haussa simplement les épaules en soupirant. « Ça fait un mal de chien. Si tu pouvais ménager mon dos... » il n’insista pas. Elle savait très bien dans quel état il était. Après quelques secondes de marche silencieuse, Soren reprit néanmoins la parole. « Juste une chose… accorde moi un peu de repos avant Luca. Dans mon état, je ne serais pas bon à grand-chose. » quand ils avaient quitté la route des Mycorocs, Kiera avait mentionné un soigneur. S’il avait été réticent à l’époque, il espérait désormais que l’offre tenait toujours. Ça, et peut-être une bonne nuit de sommeil sans courbatures.