Ryme
Invokeure
— Aller à Zanarkand n’assure pas d’avoir l’Ultime-Chimère, murmura doucement Ryme.
Elle attendit d’avoir au moins l’attention d’une ou deux personnes avant de continuer. Au travers des flammes son regard bleu paraissait presque s’embraser. Triste augure ou reflet de son coeur ? Personne, même pas elle, ne pouvait le dire.
— On raconte que si l’Invokeur.e n’est pas assez puissant.e pour la recevoir, on obtient tout de même un pouvoir immense. Si et seulement si, l’on ne meurt pas lors de la fusion avec le Priant bien entendu. La légende veut que ce soit en récompense de tout le chemin parcouru. Cependant cette force n’est pas létal pour Sin ni pour l’Invokeur.e. C’est pour ça que beaucoup de gens ne sont pas en mesure d’aller jusqu’au bout, si l’on oublie la vaste majorité d’abandon.
— C’est vrai, enfin… J’ai entendu des rumeurs allant dans ce sens également, confirma Garan.
— Peut-être que nous sommes dans un ancien temple dédié à une chimère née d’un voyage qui n’a pas été fructueux ? Après tout, il n’y a ni chant, ni rien… Juste le vide.
— Excusez-moi, j’y connais pas grand-chose dans tout ça mais, s’il y a un temple, il y a un Priant, non ? C’est… Obligatoire. Où plutôt, là où il y a priant, vous avez bâtis des temples. En vous moquant bien de ce qui pouvait se trouver là, du reste, avança Nikkey.
Un silence retomba dans la pièce. Ryme baissa le nez, malgré son visage ainsi que son air serein, le désarroi n’était pas loin. Une boule d’angoisse grossissait à vue d’oeil au creux de son ventre. L’envie de se montrer égoïste et de fuir lui traversa l’esprit mais aussitôt, une nappe de bile chaude remonta le long de son estomac. Elle n’en avait pas le droit. Ses doigts se serrèrent autour du tissu de sa jupe.
— Dans tous les cas, il me faut récupérer Shiva ainsi que Bahamut pour pouvoir continuer le voyage, sans quoi, les gardiens de la montagne ne nous laisserons pas passer, soupira la mage. Nikkey, avez-vous le moyen de contacter ce fameux… Arbert ?
— …
— Vous n’êtes pas obligée de répondre, sachez juste que si vous êtes en possibilité de le faire. Que si l’un de vous est en possibilité de le faire…
Elle suspendit sa phrase pour regarder tour à tour Garan, Gordias mais également Cillian, n’oubliant pas que chacun d’eux avait été en contact avec lui. L’ancien prêtre de Besaid avait été informé de la situation de son cadet par lui mais avait également reçu son soutien pour être ordonné à son rang ; Gordias le connaissait et sur son ordre était devenu le Gardien de Ryme et Cillian… Cillian avait accepté son offre et, peut-être ne s’en rappelait-il pas mais, il avait sûrement reçu son aide dans l’impitoyable Via à l’instar de Nikkey.
— Peut-être devrions-nous lui faire parvenir le message que nous voudrions entrer dans Bevelle en toute discrétion, déclara-t-elle avant de lancer un regard acéré à l’Al’Bhed. Sans passer par la Via.
Personne ne répondit ; les implications étaient sans doute trop grandes, trop importantes ou risquées pour dévoiler quoi que ce soit. Malgré son air fier, une fêlure subtile animait le visage de Ryme : la fatigue de n’être qu’un pion.
— Dans tous les cas, la nuit porte conseil, finit par dire Garan. Nous devrions nous reposer. Nous sommes tous et toutes fatigué.es de cette journée. Demain matin, nous dresserons des objectifs clairs à suivre et nous nous y tiendrons, pour une fois, si Yevon le veut.
Ryme se leva alors avant d’épousseter un peu sa robe. Elle attrapa sa canne et s’éloigna du feu. Garan se racla la gorge tandis qu’il installait de quoi faire des banquettes de fortune. La jeune femme lui décocha un regard mauvais mais cela ne l’impressionna guère.
— J’ai besoin d’être un peu seule, argumenta-t-elle fermement.
— Du moment que ton besoin de solitude ne s’étend pas à la nuit entière, ça me va. Il faut qu’on reste tous ensemble, gronda le prêtre.
Elle claqua la porte derrière elle, un geste bien plus éloquent que tous les mots qui filaient dans son esprit. A l’extérieur, l’air était frais. La brise nocturne venait des montagnes sacrées. Dans le ciel, une infinité d’étoiles pour la plupart dévorées par les lumières de Bevelle non loin. Si l’on fermait les yeux et que l’on tendait l’oreille, on pouvait percevoir les échos d’un concert ou d’un spectacle.