Ryme
Invokeure
Cependant, cela ne la surprenait pas plus que ça. Cela l’attristait. Doucement, elle quitta son chevet pour se diriger vers l’espace dédié au bain dans la chambre. Ryme passa derrière le paravent pour s’occuper d’activer les cristaux magiques qui faisaient que la suite était pourvue d’eau chaude. Elle rajouta le même mélange, légèrement citronné, que dans son propre bain. Le baquet donnait sur une fenêtre, qu’elle ouvrit, laissant les odeurs de la mer rentrer dans la pièce. Ce genre de petites choses devraient apaiser l’âme de son ancien Gardien.
Elle revint, pour le trouver avec un air coupable sur le visage. Elle lui rendit son sourire, et même plus lorsqu’elle aperçut que la lucidité était de retour dans son regard.
« Je n’ai pas faim. Merci. » répondit-elle simplement, d’une voix sereine avant qu’il ne repousse le plateau pour sortir du lit.
Cillian n’avait jamais été pudique, du moins, elle l’avait toujours connu à l’aise avec son corps. Mais la surprise demeura authentique lorsqu’il se débarrassa des seuls vêtements que les médecins lui avait laissé à la demande de la jeune femme. Ryme se mit à rougir doucement. Ce n’était pas la première fois qu’elle voyait un homme nu. Ce ne serait sûrement pas la dernière. Mais… Une chaleur grondante se réveilla à nouveau dans le bas de son ventre. Sa gorge se serra. Puis, elle eut le sentiment que si elle détournait trop les yeux, son esprit fragile corroborerait une des versions odieuses de leur épopée. Alors, elle plaça son regard sur lui. Même décharné, il était désirable. Se rendait-il compte qu’en agissant ainsi, il lui agitait une chose qu’elle ne pouvait plus avoir ? Ou plutôt, qu’elle ne s’autoriserait plus à avoir.
« Je me suis déjà baignée. Et puis, ça ne serait pas raisonnable… » soupira-t-elle doucement en avançant vers lui.
« Je veux dire, parce que. Hm. La baignoire est sans doute déjà un peu petite pour toi, alors pour nous deux. Enfin… Je… Je m’occupe de te laver les cheveux, d’accord ? »
Son visage n’était plus rouge, il était écarlate. Non pas parce qu’elle était gênée de sa nudité - qui était plutôt plaisante à mirer, mais parce que lui refuser quelque chose était difficile. Elle ne se sentait pas obligée de lui plaire parce qu’il était enfin revenu de la Via… Mais, refuser quelque chose d’aussi tentant était presque douloureux. Son esprit la félicitait d’avoir trouvé un peu de volonté, tandis que son cœur, lui, lui disait de tout bonnement se laisser aller au désir. Mais, c’était pour son bien. Quels genres de pensées avaient-ils bien pu lui mettre dans l’esprit ? Paniquerait-il et penserait-il à Vilhatt si elle s’abandonnait contre lui, le terrorisant ? Interpréterait-il mal, ses soupirs d’aise, les confondants avec des pleurs que l’on retient ?
Elle attendit qu’il s’installe dans le baquet. L’eau devint noire presque immédiatement. Seigneur, depuis combien de temps ne s’était-il pas lavé ? Au moins trois jours. D’ailleurs, elle ne lui avait toujours pas répondu à ce propos. D’une main délicate, elle lui retira son cache-oeil. L’accessoire était encore plus nauséabond.
« Il s’est écoulé trois jours, depuis l’attaque. Les médecins ne savaient pas vraiment ce que tu avais, ils m’ont dit de te laisser dormir, que tu étais probablement très fatigué. Seule, je ne pouvais pas vraiment te soulever pour faire une toilette, même sommaire. Désolée. » avoua-t-elle doucement en se penchant pour récupérer les divers savons que le propriétaire avait laissé à sa disposition.
Avec précaution, elle utilisa une grosse louche pour verser l’eau sur son crâne, en prenant bien soin qu’aucune goutte n’aille sur son visage. Ils avaient peut-être essayé de le noyer, pour que même son île natale devienne source de terreur. Son coeur se serra un peu. Elle ne pouvait pas chanter et la majorité de ses actions, étaient à présent contrôlées par la peur. Ryme espérait que ces angoisses n’étaient pas palpables.
Le savon ne fit aucune mousse, ni au premier lavage, ni au deuxième. Au troisième, une fine pellicule blanche commença à apparaître. La quatrième fois fut la bonne. On aurait pu jurer qu’il avait les cheveux chargés d’écume. Comme elle avait hâte de pouvoir le reconduire sur Besaid et… Le reste de son plan, se supplanta à tout le bon temps qu’ils avaient prévu ensemble à l’époque, lui laissant un léger goût amer dans la bouche.
Bien que cela n’était pas dans ses prérogatives, les mains de Ryme descendirent jusqu’aux épaules du jeune homme, qu’elle commença à masser. Elle ferma les yeux et expira doucement. Sa magie commença à se déverser dans ses doigts experts. Peut-être qu’un sortilège de soin lui ferait le plus grand bien. Les embruns masquaient l’odeur de l’eau de la baignoire. La mer commençait à revenir timidement.
Soudainement, on toqua à la porte. Ryme se leva avant d’aller ouvrir. Un des prêtres.
« ah, mademoiselle, je suis désolé de vous déranger, néanmoins, plusieurs personnes en ville réclame votre présence. Pourriez-vous avoir la bonté de faire une apparition sur le port ?
— Bien sûr. Je me prépare. Merci de m’avoir prévenue.
— Que Yevon vous garde, ma fille. »
Ryme le salua d’un léger signe de la tête. Quelle plaie. Bien qu’elle comprenait le besoin des habitants de voir des Invokeurs, elle avait espéré qu’on lui laisse un peu de répit. D’un pas légèrement morose, elle revint vers Cillian.
« Mes devoirs d’Invokeurs m’appellent. Je pense que tu devrais aller te reposer encore un peu, et ce soir, on pourra discuter encore un peu, qu’en penses-tu ? » demanda-t-elle d’une voix douce, sans pour autant le regarder, tandis qu’elle cherchait dans la petite pile de vêtements qu’on lui avait prêté, une tenue digne d’une apparition officielle.