Cillian
Monsieur tout le monde
Un léger sourire aux lèvres, je me lève et vais me sécher avant de remettre mon cache œil. Que Ryme voit le morceau de viande hachée qui me sert de visage, c'est une chose. Que d'autres le voit, c'est une autre. Une fois présentables, on se glisse hors des bains en adressant un salut rapide à nos compagnons. Visiblement, ils ne sont pas les seuls à vouloir profiter du bain. Avec un peu de chance, un des autres clients va réussir à tenir la jambe de Garan pendant un moment. Enfin, chance, pas vraiment. Garan parlerait à un mur si on lui en donnait l'occasion, et ce n'est pas Gordias ou moi qui allons lui tenir une conversation. Si tout se passe bien, on devrait avoir du temps.
Ryme me guide vers sa partie de la chambre, la seule séparée, même si uniquement par un paravent, du reste de la pièce. Ma gorge s’assèche un peu. C'est une sensation que je n'avais pas ressentie depuis longtemps. Est-ce que je me souviens encore de comment on fait ? Est-ce que c'est le genre de choses qui s'oublie ? Certes, il y a hier, mais … Ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas parce qu'on sait sprinter qu'on sait courir sur la durée, même si c'est techniquement courir pour les deux activités. Un peu pétrifié par le stress, je la laisse commencer à me déshabiller. Je reconnais se ton dans sa voix. Ça me fait plaisir que je puisse encore provoquer ça chez elle. Elle me coiffe et me demande depuis quand mes cheveux ont changé. C'est vrai qu'ils ont perdu de leur couleur. Comme aucun de mes compagnons de voyage n'avait fait la moindre remarque là dessus, j'avais fini par croire que c'étaient mes sens qui me jouaient des tours.
Je frissons alors que ses doigts glissent le long de mon torse. Parfois, elle s’arrête sur de vieilles marques. Parfois, elle souligne de nouvelles. Parfois, elle les ponctue même d'un baiser. Puis elle remonte et me pose une question.
« Une … autre ? Une autre quoi ? »
Je ne comprends pas de quoi elle veut parler. Quelqu'un d'autre ? La confusion doit se lire dans mon regard.
« Je ne comprends pas. Tu veux qu'il y ait eu quelqu'un d'autre pour quoi ? »
Puis ça s'allume dans mon cerveau. Je comprends enfin ce qu'elle veut dire.
« Ryme. Je crois que tu te méprends sur moi. »
Je prends son visage entre mes mains.
« Je ne suis pas attiré par les femmes. Le sexe, en tant que concept, ça m'attire pas plus que ça non plus. »
Je pose mon front contre le sien.
« Ce que j'aime, c'est toi. C'est faire l'amour avec toi. C'est tout. Il ne peut pas y avoir d'autre. Il n'y a qu'une Ryme. »
Je vais tenter un petit trait d'humour pour essayer de trancher la lourdeur de l'ambiance.
« Si on trouve une autre toi, peut être que je pourrai me poser des questions. Mais je crois bien qu'il n'y a qu'une seule Ryme. Donc désolé, mais ... »
Doucement, j'approche mes lèvres des siennes et l’embrasse avec tendresse. Je ne sais pas si mon trait d'humour était du meilleur goût, alors autant éviter une réponse qui pourrait nous envoyer dans une direction étrange. Après quelques secondes de plaisir, je libère ses lèvres.
« Pour ce qui est de mes cheveux, c'est depuis que j'essaie activement de rentrer en contact avec Hades. Peut être que c'est du à la nature étrange de notre relation. Mais oui, j'ai gagné beaucoup de cheveux blancs. J'espère que tu aimes ça quand même. Et cette blessure, c'était pendant un entraînement. Le problème, avec les débutants, c'est qu'ils ne savent pas forcément contrôler leurs mouvements. »
Je m’arrête de parler pour l'admirer un peu. Qu'est-ce qu'elle est belle … Qu'est-ce qu'elle est la plus belle du monde. Doucement, je laisse glisser mes mains le long de ses épaules pour faire tomber le vêtement de bain qu'elle a sur elle, d'une façon analogue à la façon dont elle a fait tomber le mien, puis je la serre contre moi.
Traitez moi de niais, mais j'aime sentir nos cœurs battre à l'unisson.