Les derniers jours avaient été épuisants. Après que le dernier squame envoyé par Sin ait été tué, il avait fallut faire la cérémonie d’accompagnement. Ryme avait à peine eut le temps d’indiquer que Cillian était son Gardien, afin qu’il soit amené à l’auberge dans laquelle elle résidait une fois les premiers soins opérés. Elle l’avait quitté à contre-coeur et avec culpabilité. La jeune femme avait l’impression que, quoi qu’ils fassent ou vivent, Yevon la rappelait toujours avant lui.
Une fois, les morts en paix, l’Invokeure avait dû assumé ce rôle. Chaque personne qui le voulait, pouvait venir la consulter. Et tous trouvaient une parole aimable, un sourire, un contact rassurant. Et puis, malgré tout, sous la pression de la foule, elle avait aussi tenu son rôle d’ancienne Voix et donna de sa personne plus d’une fois, notamment auprès des enfants et des adolescents présents cette nuit-là. À son amer regret, elle ne put veiller sur Cillian que lorsqu’on la libérait enfin.
Le combat l’avait laissée exsangue, mais le cérémoniel et les contraintes liées à son statut finissait de l’épuiser totalement. Peut-être était-ce mieux ainsi. Si elle arrêtait juste une seconde de s’occuper l’esprit, les souvenirs reviendraient. De cette nuit, mais aussi d’autres soirées, qui la torturaient depuis des mois.
Ryme avait choisi de laisser son lit à Cillian. Tous les matins, elle lui lançait un dernier regard, mais n’osait pas l’approcher, le toucher. Les paroles, qu’il avait eut à son encontre trouvait encore un écho funeste dans sa poitrine. On lui avait dit que, le jeune homme avait tout simplement consommer toute son énergie magique et que, se faisant, il avait puisé un peu trop dans son corps lors du combat. Quelque part, cela ne l’étonnait pas. Lorsqu’il entrait dans la mêlée, Cillian était un autre homme. Un homme qu’elle n’appréciait pas forcément de voir, bien qu’il avait son charme. Mais il faisait partit intégrante de celui qu’elle aimait. Qu’elle avait aimé.
L’aube du troisième jour après l’attaque se dessinait. Il dormait toujours profondément, selon les dires du médecin qui venait deux fois par jour. Ryme attendit qu’on vienne la chercher pour quelconque devoir, mais personne ne vint. La sensation froide, rampante et dévorante de l’angoisse commença à la saisir. Que faire s’il se réveillait ? Que devait-elle lui dire ? Après tout ce temps… Après tout ce qu’on lui avait dit, comment devait-elle réagir ? Devait-elle lui laisser le bénéfice du doute ? Monter au créneau pour essayer de le reconquérir ? En tout cas, une chose était sûre, ce n’était pas en sentant le chocobo que leur relation allait évoluer.
Le fait d’être un visage connu et reconnu, lui avait octroyé le droit d’avoir une baignoire dans la chambre. Bien que rudimentaire, le baquet était bien suffisant pour faire ses ablutions. Ryme prépara elle-même l’eau, parfumant le bain d’agrumes et de fleurs séchées. La jeune femme se débarrassa rapidement de ses vêtements avant de plonger son corps.
Elle observa quelques détails, au travers de la surface. Elle avait changé. Tout comme lui. Du peu qu’elle avait vu de son torse, il était maigre. Toujours relativement musclé grâce au voyage et aux efforts, mais sa silhouette était sèche. Tout comme la sienne. Devenir Invokeure et voyager l’avait amaigrit. Et sur sa peau, serpentaient les différentes punitions qu’elle avait subit pour s’être révoltée. La balle, sa jambe, mais également les lézardes de quelques coups de fouet. La vie ne les avait pas épargnés. Et, quelque part, elle n’arrivait pas à lui pardonner de n’être jamais revenu. La vie ne les avait pas épargnés.
Elle plongea la tête sous l’eau alors qu’elle sentait les larmes lui monter aux yeux. Dans ses oreilles, bourdonnaient encore les paroles des prêtres. « Cillian est libre » lui avait-on dit un beau jour. De là, elle n’avait eut de cesse de patienter, de guetter et de l’attendre. Mais les jours devinrent des semaines et les semaines des mois. Jusqu’à ce que finalement, un prêtre de l’ordre de Yevon, ne vienne lui annoncé que celui qu’elle attendait, s’était installé à Besaid avec une amie d’enfance. Et que le frère de Cillian, Arnould, avait lui-même célébrer la noce. Cela avait été l’élément déclencheur de cette nouvelle fuite : elle aurait tout de même des ailes et payerait sa dette en rapportant l’épée qu’il lui avait laissée.
Elle refit surface, reposant sa tête contre la paroi. L’eau chaude la détendit petit à petit. Le sommeil la saisit, sans pourtant la conduire vers d’agréables rêves. Quelques minutes plus tard, c’est un cri rauque qui la sortit de sa léthargie. Son cœur s’affola et se serra, car elle reconnaissait sans peine cette voix. Il était enfin de retour.
Ryme sortit du bain sans le moindre bruit et sécha rapidement son corps. Elle passa en vitesse les vêtements qu’elle avait préparés avant de grimper dans la baignoire. Ses cheveux roux étaient à moitié sec et tombaient dans son dos. Tout un tas de questions, de la plus complexe et la plus futile lui traversèrent l’esprit. Elle inspira avant de se détourner de son reflet, puis dépassa l’épais paravent. Roulé ainsi dans les draps, il n’avait rien d’un guerrier féroce. Un sourire tendre perla sur son visage. Mais il disparut totalement lorsqu’elle sentit que leurs regards allaient se croiser.
Sans un mot, elle avança vers le lit et prit place sur la chaise qui était disposée à côté. D’une main un peu tremblante, elle versa un peu d’eau dans un verre.
« Tu dois avoir soif. Tu dors depuis trois jours. Ne force pas. Tu as dépensé toute ton énergie magique lors du combat et le reste de ton corps à compenser les besoins. » dit-elle doucement en lui tendant le gobelet avant de réaliser que, peut-être, il ne pourrait pas boire seul.
Lentement, elle s’avança un peu plus, portant une main bienveillante à l’arrière de sa tête pour la soulever légèrement, tandis qu’elle le ferait boire.
Elle lui servit précautionneusement trois verres avant de reposer la coupe sur la table de chevet. Ryme remit ses mains sur ses genoux. Pendant tout ce temps, elle avait rêvé de ce moment, des choses qu’elle lui dirait une fois qu’ils pourraient être à nouveau ensemble. Mais, rien de tout ce qu’elle avait imaginé lui venait en tête. Juste des reproches qui avaient un goût de cendres sur sa langue.
« Veux-tu que je fasse prévenir quelqu’un, à Besaid ? Tes parents… Ton épouse ? » demanda-t-elle avec une pointe de reproche dans la voix.
Son regard était triste. Son sourire aussi. D’autant plus qu’il osait encore porter à son poignet, le collier qu’elle lui avait offert.