Cillian
Monsieur tout le monde
Dans un autre registre, la discussion avec Gordias, le gardien de Ryme, avait été toute aussi étrange. Il nous avait d'abord écouté dans le silence le plus total. Je sais que je suis sensé faire confiance a cet homme, mais il est tellement … Bizarre. Je n'arrive pas a lire cet homme. Certes, je n'ai jamais été forcément très bon pour ça, mais … Quand même. Il a toujours la même expression. Mais si Ryme l'aime bien, alors je l'aime bien, je présume. Même le fait que j'ai une chimère en moi n'a pas semblé le surprendre plus que ça. Est-ce qu'il est juste très bon pour cacher ce qu'il pense, ou bien est ce que je dois lire plus dans la situation que ça ?
La nuit a été calme. En même temps, par rapport à cette journée très mouvementée, tout devait sembler calme, non ? Je n'ai pas rêvé. Ou, si je l'ai fait, je ne m'en souviens pas. J'aurai pensé faire des cauchemars, mais … Peut être, au final. Je me suis quand même réveillé plusieurs fois. Elle est belle quand elle dors, Ryme. Enfin, elle est belle tout le temps, mais il n'y a que quand elle dort qu'il y a ce calme olympien sur son visage. Je pourrai tout donner pour qu'elle puisse avoir la même béatitude quand elle est réveillée. Seigneur Yevon, ce que je peux aimer cette femme.
Et il semblerait que pour le reveil final, elle se soit levée avant moi. La lumière du jour commence à peine à percer, je crois. Il doit être encore tôt, mais c'est ce qu'on avait prévu. Partir tôt, avant que tout le monde ne soit reveillé. Ca évite les questions. S'habiller, préparer un petit sac, passer par les cuisines pour chaparder de quoi manger, et partir.
Les membres encore pleins de langueur, je remue dans le lit.
« Bonjour Ryme. »
Elle n'est pas a coté de moi. Pendant une fraction de secondes, la panique m'envahit. Où est ce qu'elle est ? Est ce qu'on est venu la voler pendant mon sommeil ? Heureusement, j'entends bien vite un bruit d'eau. Elle doit faire un peu de toilette.
« Tu as bien dormi ? »
Après m'être étiré autant que possible, je me redresse dans le lit. Je me sens un peu pâteux. Sûrement le contre coup de mon petit problème fruitier d'hier. Au final, je ne sais pas si j'étais juste allergique, ou si le fruit était empoisonné. Je serais surpris que Jienne nous ai préparé ce fruit si jamais il était mauvais pour moi, mais elle ne peut pas se souvenir de tout, non ? Je baille un grand coup avant de rouler vers le bord de la couche. Il va falloir que je me lève. Difficilement, je sors une jambe d'en dessous des couvertures. Puis la deuxième. Effort surhumain. Je me lève.
D'un pas hésitant, je me dirige vers elle. Pas hésitant parce que je ne veux pas la voir, mais parce que mes jambes sont encore a moitié endormies, il semblerait. Avec difficulté, j'avance jusque la jolie femme qui me tourne le dos et pose doucement ma main sur son épaule.
« Je t'aime, Cillian. »
Je sens un poids dans mon estomac. Ce n'est pas la voix de Ryme. Doucement, la femme devant moi se retourne et me pousse. Je n'arrive pas a la repousser. Avec délicatesse, elle passe ses mains sous mes vêtements. Je n'arrive qu'a regarder son visage. Et ce visage, c'est celui de …
*********
Je me réveille en sursaut. Un cauchemar. C'était un cauchemar. Un putain de cauchemar. Instinctivement, je me rapproche de Ryme, qui dors encore a coté de moi, et je l'entoure de mes bras comme un koala s'agrippe a un arbre. Dans un sens, je suis un peu rassuré. Si je cauchemarde de Marnie, je ne cauchemarde pas de pire. Mais …
« Ryme ? »
Je la secoue un peu.
« Ryme ? C'est l'heure de se réveiller. »
C'est un peu un mensonge. C'est vrai qu'il est presque l'heure, mais pas totalement. J'ai juste besoin qu'elle me parle. De l'entendre. De la sentir. Qu'elle me serre contre elle. Je me sens terriblement faible à cet instant précis. Ah, je crois qu'elle se réveille enfin. Mon cœur se calme un peu.
« Bonjour mon amour. »
Je ne lui laisse pas le temps d’émerger. D'un mouvement rapide, ma tête va se cacher dans son cou et je respire a grandes goulées son odeur. Ca me rassure un peu.
« Je crois que j'ai fait un cauchemar. »
Je garde ma tête contre elle. Je n'ose pas lui montrer mon visage, honteux.
« J'ai revé que tu étais remplacé par Marnie. Ne me laisse pas, s'il te plait. »
Cette detresse dans ma voix me retourne le ventre. C'est quand même étrange, qu'on puisse a la fois être aussi fort, et aussi faible.