Il avait touché une corde sensible en évoquant le passé commun de Rhys et Kiera. La réaction du marchand lui arracha un sourire, qui s’estompa au profit d’une discussion plus sérieuse. Malgré les inquiétudes de Rhys, Soren avait sa propre vision du rôle que Kiera jouait désormais dans son pèlerinage. Elle lui avait prouvé à plusieurs reprises qu’elle était digne de confiance. Et même s’il ne pouvait se permettre de croire aveuglément en quelqu’un, Soren commençait peu à peu à la considérer autrement que comme un simple compagnon de fortune. Rhys afficha d’abord une expression étonnée, qui laissa place à une expression plus paisible. La discussion en resta là, et après des salutations en bonne et due forme, Soren abandonna le marchand et se dirigea à la rencontre de Kiera.

Ses échanges avec Rhys lui avaient appris deux choses. La première : ce qui s’était passé entre eux la nuit dernière était un événement on ne peut plus banal dans la vie de la jeune femme. La deuxième : le passé de Kiera était bien plus flou que la demoiselle ne le laissait entendre, ce qui soulevait de nouvelles questions. Il arriva bientôt à l’entrée du temple, où Kiera l’attendait en mâchonnant nerveusement ce qui ressemblait à un bâton de réglisse. En guise d’entrée en matière, Soren lui reprocha son manque de discrétion sur ce qui s’était passé entre eux. Évidemment, Kiera lui répondit sur le même ton, arguant que ce n’était pas une affaire d’état. Soren soupira, à mi-chemin entre la résignation et l’exaspération. « Parfois, je me demande s’il existe quelque chose que tu ne prends pas à la légère. » c’était un combat perdu d’avance, et bien décidé à ne pas perdre plus d’énergie dans cette bataille stupide, Soren passa à un sujet autrement plus important. Il n’avait pas prononcé un mot que, déjà, Kiera affichait son exaspération. Ce qui ne découragea pas le jeune homme. Lloyd. Même s’ils avaient gagné un petit temps d’avance, l’affrontement de la veille en disait long sur ce qui les attendaient quand le soldat de Bevelle se présenterait à nouveau devant eux. Kiera avait clairement affiché sa volonté de ne pas perdre à nouveau, et Soren voulait entendre ce qu’elle avait derrière la tête. La jeune femme commença en évoquant sa migraine, ce à quoi Soren répondit du tac-au-tac. « Dans ce cas, il fallait être raisonnable. » il ne s’attarda pas sur sa propre migraine, que la situation actuelle relayait au second plan.

Kiera ôta finalement le réglisse de sa bouche, accordant enfin toute son attention à la conversation. Elle répondit brièvement à la question de Soren, mais orienta rapidement la discussion sur ce qui la préoccupait réellement : la façon dont Lloyd avait résisté à Bahamut. Si la caricature que décrivait Kiera lui arracha un sourire, ce sujet était malgré tout le cœur même du problème. Lloyd disposait d’une condition physique bien au-delà de la normale. Si ses compétences au combat étaient grandioses, sa résistance, elle, semblait inhumaine. Soren soupira. Il aurait préféré que la discussion se cantonne à la façon dont ils affronteraient Lloyd la prochaine fois. Kiera en arriva donc à la seule conclusion logique : soit Lloyd était un monstre, soit l’entraînement de Bevelle était particulièrement efficace. Cette fois-ci, Soren n’arriva pas à sourire. « Ou peut-être un peu des deux. » tout en parlant, il regarda l’ombre du temple qui surplombait les alentours. Quand Kiera suggéra que la bénédiction d’une seconde chimère serait un début, Soren ne répondit pas tout de suite. « … quand Bahamut est apparu, il a continué à se battre comme si de rien n’était. Comme si… Comme si affronter une chimère ne représentait rien. » il avait entamé ce pèlerinage pour obtenir la puissance dont il avait besoin. Et maintenant, il faisait face à un adversaire pour qui cette puissance qu’il s’évertuait à obtenir ne représentait rien. Soren inspira profondément. La joie insouciante de la veille commençait à lui manquer. « J’irais voir le priant. Mais… Je ne sais pas si obtenir la bénédiction d’une autre chimère résoudra le problème. » en définitive, c’était ce qui l’inquiétait le plus. Mais malgré tout, il fallait qu’il se tienne à sa décision. Soren se détendit finalement, et lança un regard à Kiera. « Je vais aller voir le priant. Je te retrouve après. » et, mettant de côté les récents événements pour se focaliser sur l’épreuve qui l’attendait, Soren prit la direction de l’entrée du temple, où des prêtres l’attendaient.

Son dos tomba lourdement contre la porte qui s’était refermée derrière lui. Ses jambes se dérobèrent, et Soren glissa contre le sol. Ixion lui avait refusé sa grâce. Il avait échoué. Il n’avait pas avancé dans son pèlerinage, qu’importe le chemin accompli depuis Bevelle. Lors de sa prochaine confrontation avec Lloyd, il ne disposerait pas d’une nouvelle Chimère pour lui faire face. Il ramena ses jambes contre lui, et enfonça sa tête dans ses genoux. Son âme était teintée d’obscurité. Sa quête de vérité ne cachait-elle pas une autre raison ? Il n’arrivait pas à faire taire les paroles du priant qui tournaient en boucle dans son esprit. C’était un chemin qui ne devait pas être parcouru seul… Son poing se serra machinalement. Il pouvait très bien se débrouiller seul. Pourtant… Il soupira, relâchant sa main. Toute cette colère, toute cette frustration ne changerait rien. Et Ixion ne lui avait pas définitivement fermé la porte. Seulement… Dans l’état actuel des choses, il ne pouvait pas obtenir la bénédiction du priant. Soren ramena ses bras autour de ses genoux, l’œil sombre, la mine contrariée.

Plusieurs minutes s’écoulèrent. Un prêtre avait frappé à la porte, désireux de prendre de ses nouvelles. Le temple de Djose avait la particularité de se gorger d’électricité à l’éveil du priant, si bien que les prêtres savaient lorsque les Invokeurs s’entretenaient avec le priant… Ou non. Pourtant, Soren n’avait pas bougé. Il savait que rester là ne changerait rien. C’était même l’inverse : il perdait un temps qui lui était désormais précieux. Pourtant, il n’arrivait pas à partir. Il n’avait rien. Comment était-il censé faire face à Kiera, et lui annoncer que malgré l’urgence de la situation, il n’avait pas été en mesure d’obtenir la grâce du priant ? Il avait beau attendre, tourner le problème dans tout les sens, il n’arrivait pas à trouver de solution. C’était sans espoir… Ce fut le dépit qui le poussa finalement à se relever, et à jeter un dernier regard sur la porte qui menait à la chambre du priant. Et maintenant ? … il devait reprendre contenance. Donner le change. C’était la seule option encore envisageable.

Quand la porte de l’antichambre s’ouvrit enfin, plusieurs prêtres se tenaient là, attendant la sortie de l’Invokeur. Il suffisait de lire l’expression sur leurs visages pour comprendre l’impatience, la hâte qu’ils éprouvaient d’entendre le résultat de l’épreuve. Soren sentit sa main trembler. Sans un mot, il descendit les marches, se retrouvant au milieu des prêtres. Sa voix s’éleva enfin, articulant des syllabes claires et détachées. « Le priant ne m’a pas accordé sa bénédiction. » la pièce se figea. Les rares personnes qui ne prêtaient pas attention à l’Invokeur se figèrent. Tous les regards étaient posés sur lui. « Il souhaite que je poursuive ma route. Le pèlerinage doit être une source d’apprentissage, et former la sagesse des Invokeurs ! Une fois le chemin parcouru, Ixion se joindra à moi. » il avait été convaincant. Et pourtant, il sentait déjà les regards, les doutes et le scepticisme qui planait autour de lui. Le plus âgé des prêtres osa finalement prendre la parole, faisant taire les murmures. « Je… Les priants font parfois des mystères, mais guide les Invokeurs sur la bonne voie… Quand l’heure sera venue, nous vous accueillerons de nouveau lord Soren. » il hocha la tête, et s’éclipsa sans un mot de plus.

Dehors, le soleil lui sembla plus vif que d’ordinaire. Affronter les prêtres était une chose, mais il savait que le pire était à venir. Soren soupira, et jeta un regard aux alentours. Il repéra rapidement Kiera, et après une coute hésitation, s’avança à sa rencontre. Même s’il faisait son possible pour garder une expression neutre, son regard sombre le trahissait. Il avait répété cent fois son discours, afin d’être sûr d’annoncer les choses d’une façon correcte. Mais quand il se trouva finalement face à Kiera, toutes ses belles phrases s’envolèrent. « Je… » il soupira. Pesta. De toute façon, à quoi bon ? « Je ne l’ai pas eu. Il a dit… » difficile de résumer simplement les choses. « Il me donnera sa bénédiction une fois que j’aurais trouvé ce que je cherche. » il arrivait à peine à cacher son agacement. Son inquiétude. Sa déception. Après tout ce temps passé à ressasser son entrevue avec le priant, lui-même ne savait plus quoi penser de la situation. Ni même comment envisager la suite désormais.

Il avait lâché la nouvelle comme on enlève un pansement. Un coup net, sec et rapide. Il s’était attendu à ce que Kiera peste, ou à ce qu’elle lui fasse la morale. Mais rien ne l’avait préparé à la réaction de la jeune femme. Elle pesta d’une voix désinvolte, mais tout dans son attitude laissait transparaître que quelque chose n’allait pas. Puis, prise d’un soudain accès de colère, Kiera pesta à s’en défaire les poumons. Si Soren ignorait tout de l’al-bhed, il maintenant à peu près certain du sens du mot santa. Soren soupira, tiraillé entre la culpabilité et le manque de retenue de Kiera. Malgré tout, il arrivait à comprendre son inquiétude. Elle s’était convaincue que seule une chimère les aiderait contre Lloyd. Et même si Soren ne partageait pas sa certitude, il commençait à se dire qu’il aurait peut-être dû faire preuve de plus de foi envers la force des priants.

Kiera pesta donc, insultant allégrement le priant du temple. Soren ne répondit rien, laissant du temps à la jeune femme. Après quelques instants, Kiera sembla reprendre un semblant de contenance. Immobile, la voix plus claire, elle se tourna finalement vers Soren, braquant sur lui un regard assassin. Il ne releva pas. La suite, en revanche, fut beaucoup moins digeste à son goût. Il n’arriva pas à réprimer une colère amère quand Kiera lui demanda ce qu’ils devaient faire désormais, lui rejetant à demi-mot la responsabilité de son échec face au priant. Kiera termina en demandant à Soren s’il savait seulement ce qu’il cherchait. Le visage de Soren se referma aussitôt, un éclat sombre germant dans son regard. Il bouillait intérieurement, mais le sentiment d’échec qui l’habitait était comme une muselière qui le forçait à taire sa rancœur. Kiera continua, accusant Soren coup sur coup. Ses dernières résistances cédèrent face aux propos de Kiera. À bout, il s’apprêta à répondre sur le même ton. Mais les dernières paroles de Kiera lui coupèrent l’herbe sous le pied, lui remémorant pourquoi les choses avaient pris cette tournure. Il lui cachait ses intentions. Depuis le début. Elle avait beau le suivre, pas une seule fois il ne lui avait exprimé clairement ses intentions, ni même l’objectif de ce pèlerinage. Et il lui devait bien des réponses. Cette phrase, cette seule et unique phrase avait pris Soren de court. Elle avait raison. Il resta la bouche entrouverte quelques secondes, comme s’il allait répondre, mais sa colère s’était envolée. C’était comme si, en une fraction de seconde, Kiera l’avait poussé face à ses contradictions. Il faisait désormais face à ses propres choix, à ses propres erreurs, qui avaient endossé les traits de Kiera. Soren referma la bouche et se redressa. Sa main se resserra, résignée. En une poignée de jours, ses choix les avaient acheminés vers cette situation inextricable. S’il continuait ainsi, la suite des événements étaient désormais une évidence. Ironiquement, il se demanda s’il aurait eu la patience de Kiera s’il avait été à sa place. « Tu as raison. » sa voix était claire, presque en décalage avec la colère sourde de Kiera. Il resta silencieux quelques secondes, le regard dans le vide. Puis, il leva finalement son regard vers la jeune femme. « Viens. Je ne tiens pas à parler de ça ici. »

Il avait suivi un petit chemin dérobé, s’enfonçant entre les reliefs rocheux qui entouraient le temple de Djose. Une fois certain que personne ne viendrait les interrompre, Soren s’était adossé à une paroi de pierres. Bras croisés, les paupières closes, il réfléchissait à la meilleure façon d’expliquer les choses. Il était à peu près certain que son silence allait attiser la colère de Kiera, mais qu’importe. Il avait besoin de formuler les choses simplement. Clairement. Il avait toujours eu du mal à mettre des mots sur ce sentiment, sur cette conviction qui le guidait. Désormais, il n’avait plus le droit d’être flou. « Je… » il inspira. Il rouvrit enfin les yeux, et posa son regard sur Kiera. « Je veux trouver un moyen de mettre fin à Sin. Définitivement. » au moins, c’était clair. Il prit une inspiration. « J’ai toujours eu des doutes sur les méthodes de l’Église. Les pèlerinages, les dix ans de Félicité… J’ai du mal à avaler que la seule solution se résume à ça, et à attendre que Yevon décide de nous pardonner. » il leva la tête, observant les nuages au-dessus de leurs têtes. « Techniquement… Ça fait de moi un hérétique. Mais tant que j’étais à Bevelle, je ne pouvais rien faire. Surtout seul. Alors, j’ai quitté Bevelle… Et j’ai demandé à Bahamut de m’accompagner dans ma quête. » il décroisa finalement ses bras. « Ne te méprends pas. J’ai besoin des chimères pour trouver la vérité. Pour comprendre ce que l’Église cache, et comment se débarrasser de Sin. Mais si je ne trouve pas de solution… J’irais au bout de mon pèlerinage. » il soupira. Soulagé. Et peut-être un peu plus en phase avec ce qu’il cherchait réellement. « Ce que je veux, c’est découvrir ce que cache l’Église. Mais je n’arriverais à rien en continuant à fuir. » il croisa à nouveau les bras, la mine sérieuse. Son regard se perdit brièvement, s’égarant dans ses considérations. Puis, il planta son regard sur Kiera. Il l’observa, attendant le verdict de son implacable juge.

Il se sentait soulagé. Et pourtant, il n’arrivait pas à se défaire de ce sentiment tenace de culpabilité. Il repensait à Lloyd et Alissa, se demandant le temps d’un instant ce qu’il serait advenu d’eux s’il avait fait preuve de la même honnêteté. Et tandis que les fantômes de son passé s’approchaient de son cœur coupable, Soren guetta silencieusement la réponse de Kiera. Même si elle semblait étonnamment calme, Soren était prêt à mettre sa main à couper qu’elle devait être particulièrement satisfaite de ses aveux. Cette pensée lui arracha un bref sourire, qui s’effaça quand la jeune femme prit la parole. Soren ne releva pas le compliment, ne se considérant plus membre de l’Église depuis bien longtemps. Ce constant posé, Kiera interrogea le jeune homme sur ce qu’il avait trouvé. Est-ce qu’il avait une piste ? Est-ce que les priants l’avaient orienté dans ses recherches ? Soren soupira, une expression lasse sur le visage. « Si c’était le cas, tu penses vraiment que je serais ressorti du temple avec cette tête ? » il y avait quelque chose de résigné dans sa voix. Il avait le sentiment que tout cela ne le menait à rien. Il avait beau avoir mûrement réfléchi sa décision, il avait désormais l’impression d’avoir quitté Bevelle sur un coup de tête. Soren inspira profondément, n’accordant son attention à Kiera que lorsqu’elle reprit la parole. Et s’il s’agissait de quelque chose de bien plus grave et dangereux que ce qu’il avait imaginé… Soren esquissa un sourire. « J’aviserais. Mais si je trouve un moyen de changer les choses… Je pense que je tenterais ma chance. » il resta pensif encore quelques secondes, puis haussa les épaules. De toute façon, il était loin d’avoir trouvé quoique ce soit. Et il n’avait aucune piste.

Finalement, Kiera l’interrogea sur la suite des événements. Que faire ? Ou aller ? Le visage de Soren se referma à la seconde où la jeune femme souleva ces questions à voix haute. Il n’en savait rien. Il avait dû remettre sa visite au temple de Macalania à plus tard, et le priant de Djose venait de lui refuser sa bénédiction. Soren repensa brièvement aux mots du priant. Il devait trouver sa vérité… Il soupira, résistant à une terrible envie de pester à voix haute. « Je n’en sais rien. » il soupira une énième fois. Puis, ses épaules se détendirent légèrement. Il joignit ses mains derrière sa tête, et leva son regard vers le ciel. Pour la première fois, il n’avait plus le visage du jeune homme distant et sûr de lui : simplement d’un jeune homme qui désirait atteindre son but, sans savoir par où commencer. « Pour être honnête avec toi, je pensais que les priants me donneraient des informations au fil de mon pèlerinage. Mais… Tout ne se passe pas vraiment comme je l’imaginais. » il avait encore du mal à avaler sa discussion avec Ixion. Pourtant, une part de lui commençait à comprendre ce que le priant avait voulu lui dire. « Oubli Bevelle. Ça ne se finirait pas bien pour nous. » sans appui sur place, se rendre à Bevelle serait comme faire face à l’Église entière. Ils devaient trouver autre chose. Soren hésita quelques instants, avant de reprendre la parole. « … l’Église traque ceux qui se posent ce genre de question. Mais on raconte que certains arrivent à passer entre ses griffes… » un éclat lugubre passa dans son regard. Il ne savait que trop bien ce qui arrivait aux hérétiques qui devenaient les cibles de Bevelle. « On peut commencer par là. Et sinon… J’irais jusqu’à Zanarkand pour obtenir des réponses. Enfin… Si Lloyd ne nous tue pas avant. » un sourire cynique et douloureux étira le coin de ses lèvres. Puis, Soren se tourna enfin vers Kiera. Il la regarda quelques instants, sans prononcer un mot. Elle était étrangère à tout ça, entraînée dans cette spirale infernale par la force des choses. Qu’il le veuille ou non, il devait se battre désormais. Quand il reprit la parole, il avait retrouvé une certaine assurance. « J’ai passé des années à m’entraîner contre lui. Son style de combat a évolué, mais il a gardé certaines habitudes. Il va falloir que tu arrives à les retourner contre lui. » Soren reporta de nouveau son regard vers le ciel. De toute façon, ils ne disposaient pas de beaucoup d’options. « On devrait continuer jusqu’à Luca. Je ne sais pas si on trouvera quelque chose, mais ce sera toujours mieux que d’attendre ici. On trouvera un plan pour s’occuper de Lloyd en chemin. » il laissa planer un court silence, puis se tourna vers Kiera. « Ça te va ? » tout en la regardant, Soren se demanda si ce n’était pas la première fois qu’il sollicitait son avis.

Quand Kiera l’avait interrogé sur d’éventuelles pistes que les priants lui auraient confié, Soren avait répondu du tac-au-tac. Et évidemment, Kiera ne s’était pas démonté, renchérissant de plus belle. Habitué à la répartie cinglante de la jeune femme, Soren ignora purement et simplement sa réponse, moins pour son indifférence que pour le manque d’arguments pour la contredire. À défaut d’être constructif, le sujet fut rapidement clos, et les deux compères de fortune se concentrèrent davantage sur les éléments dont ils disposaient actuellement.

En l’absence d’une piste tangible, ils devraient donc trouver des informations par eux-mêmes. La piste de Bevelle fut écartée à l’unanimité, rapidement suivie par la proposition concernant d’éventuels hérétiques, et autres chercheurs de vérité qui survivraient encore en dépit de la mainmise de l’Église sur la quasi-totalité du continent. Kiera avait raison : si ces personnes existaient, elles se cachaient suffisamment bien pour disparaître des radars de l’Église. « Ça reviendrait à chercher des fantômes… » il soupira et croisa les bras. Zanarkand… Si la fin du pèlerinage était la seule piste dont ils disposaient, sa démarche avait-elle encore un sens ? Quelles réponses trouveraient-ils là-bas ? Une fois Zanarkand ralliée, il offrirait sa vie, et… Son pèlerinage s’arrêterait. Était-ce une cause perdue davantage ? Depuis le départ, avait-il réellement entamé un voyage voué à l’échec ? Son index frappa nerveusement son bras. Puis, il songea brièvement à Lloyd, et à la réponse de Kiera. Elle était prête à se battre. Cette idée tira un sourire à Soren. Elle avait raison. Pour le moment, la priorité n’était pas à son pèlerinage. Soren lui proposa finalement de lui enseigner tout ce qu’il savait sur la façon dont Lloyd se battait, afin de mettre toutes les chances de leur côté. Une idée que Kiera accueillie avec une certaine satisfaction, s’il se fiait à son petit sourire arrogant. Après une dernière mise au point, la suite des événements fut donc décidée. Ils iraient à Luca, tout en anticipant l’inévitable confrontation avec Lloyd. Kiera adhéra à son plan, tout en évoquant à voix haute que le plan contre Lloyd était la priorité. Soren la regarda quelques instants. Quand elle se redressa, le jeune homme l’imita. Si la conclusion de Kiera n’était pas complètement à son goût, il était néanmoins d’accord sur une chose : ils devaient avancer. Soren s’engagea à sa suite, mais s’arrêta en sursaut quand Kiera se tourna tout à coup dans sa direction. Il fronça les sourcils quand elle s’avança vers lui, comme s’il restait quelque chose à clarifier. Une fois plantée face à lui, et lui exposa finalement ce qui la préoccupait… d’une façon aussi élégante que gracieuse. Bien décidée à étouffer dans l’œuf toute ambiguïté concernant ce qui s’était passé entre eux la veille, Kiera ne manqua pas de faire étalage de son tact pour faire comprendre à Soren que tout cela n’avait rien de sérieux. Quand elle évoqua l’absence de sentiments amoureux dans ce qui s’était passé entre eux, Soren afficha un sourire amusé. Était-il vraiment nécessaire de clarifier ce point ? Toutefois, il décida de la laisser finir. Kiera semblait prendre cette mise au point particulièrement à cœur, aussi, même si elle ne faisait que décrire l’évidence même, il décida de la laisser faire. Elle termina en évoquant quelques surprises passées, suite auxquelles elle préférait mettre les choses aux claires. Soren hocha simplement la tête, ravalant son cynisme. « Compris. Tu ne m’apprends rien. » les choses étant dites, Kiera reprit la tête du groupe, se dirigeant sans attendre vers la route des Mycorocs. Soren la fixa quelques secondes, et prit finalement sa suite.