Ryme
Invokeure
Une question, après le début de soirée de la veille, brûlait dans l’esprit de l’Invokeure et l’avait laissée éveillée. Cillian ne semblait plus voir la chute de Vilhatt comme la fin de leur voyage ; ne l’empêcherait-il pas d’aller à Zanarkand ? Vaincre Sin serait probablement le seul moyen de se racheter aux yeux de la population mais aussi de Yevon. Peut-être était-il déterminé à l’accompagner jusqu’au bout, n’usant de l’avenir que comme d’une béquille pour continuer le chemin qui était le leur.
Après avoir quitté les bois gelés de Macalania, ils avaient finalement atteint l’orée de l’immensité de la Plaine Félicité. Un étrange sentiment s’installa alors dans la poitrine de Ryme, celui d’avoir été le plus loin de chez elle. Elle s’avança timidement vers le promontoire et observa. Par-delà la colline, l’étendue verte s’était offerte à eux dans toute sa splendeur. Un soleil encore d’argent luisait, donnant aux herbes folles une nuances délicate. A l’horizon, quelques coeurls sauvages courraient après des chocobos indomptés. Des ronds de fumée opaques s’élevaient depuis un endroit paisible : l’auberge du milieu de parcours.
— C’est immense, murmura Ryme, fascinée.
— Beaucoup de gens abandonnent ici, malheureusement à cause de la grandeur de la Plaine. Heureusement pour nous, elle n’est pas notre destination aujourd’hui. Mais il faudra se préparer à la traversée dans quelques semaines, commenta Garan en proposant de l’eau à chacun.
— Je crois me souvenir que le point de rendez-vous n’est pas loin, c’est bien cela Gordias ?
Après confirmation, le groupe se dirigea donc vers les relief de la Plaine, vers l’Ouest plutôt que vers le Nord où se trouvait le Mont Gagazet, seuil des terres sacrées de Yevon. Sur les parois rocheuses quelques glyphes et inscriptions lézardaient ; la plupart étaient laissées là pour et par les Bannisseurs. Ryme se souvenait d’avoir entendu parlé de l’emplacement de leur camp d’entraînement sans pour autant pouvoir l’apercevoir dans la vaste plaine.
— La prochaine ronde est prévue dans deux heures, nous avons un peu de temps devant nous pour parlementer avec nos amis, observa Garan après avoir scruté les informations sur les pierres.
Ryme rattrapa alors Cillian et glissa sa main dans la sienne. Elle ne sut pas s’il ralentit ou si c’était elle qui parvenait à tenir le rythme de sa marche mais il lui sembla qu’ils arrivaient à marcher ensemble confortablement.
— Comment te sens-tu ? On peut toujours rebrousser chemin si ça ne te convient pas, s’enquit-elle en pressant ses doigts dans les siens.
Elle savait qu’être ici devait lui être pénible. Dans ses souvenirs, Ryme se rappelait que la sortie de la Via débouchait sur cette Plaine – elle avait tant entendu Vilhatt se réjouir du destin funeste de Cillian qui, s’il ne mourait pas dans les entrailles de cette prison, se ferait assurément déchiqueté par l’un des monstres de la Plaine. Et, même si les deux frères n’en parlaient que très peu, elle avait en mémoire que la Plaine Félicité avait été le dernier jalon de leur chemin, là où Garan avait abandonné et où son Gardien de frère avait perdu son œil.
Soudainement, tout devint silencieux. Les oiseaux se turent et même le chant des herbes agitées par le vent se musela. Une forme de tension muette monta et doucement, Ryme laissa glisser sa main de celle de son amant pour venir saisir son bâton. Un grondement sauvage résonna suivi d’un friselis électrique. Des ombres dégringolèrent sur eux. L’Invokeure leva le regard : ils étaient encerclés. Des fusils étaient pointés sur eux tout comme des canons mécaniques. Les Al-Bheds étaient là.
La silhouette de la meneuse se dessina en contre jour. Juchée sur le dos d’un coeurl, elle laissa l’animal la descendre au niveau du groupe. Le cuir sculptait son corps musculeux, ne laissant guère douter de ses capacités à combattre. D’un geste, elle releva son masque, dévoilant ses yeux vert ainsi que quelques dreadlocks blonds décorées de perles et de pierres du désert.
— Je n’aurais jamais cru que vous viendriez, en toute honnêteté. Je suis ravie de voir que vous êtes des gens de paroles, pour des continentaux, commença-t-elle en descendant du dos de sa monture.
— Alors, c’est toi qui a réussi à sortir de la Via, le fameux Cillian. Je m’attendais à… Autre chose. Peut-être plus grand. Plus guerrier, aussi. Mais soit. Si tu es si fort, l’apparence importe peu, n’est-ce pas ? déclara-t-elle après avoir jugé Cillian de la tête aux pieds.
— En signe de bonne foi… J’ai la clef, montra-t-elle en dézippant sa combinaison pour laisser voir un éclat brillant contre ses puissants muscles pectoraux.
— Nous nous sommes déjà occupés de court-circuiter les alarmes et de neutralisé les gardes. Nous n’attendions plus que vous.