Elle attendait ainsi, patiente, silencieuse, sa main dans la sienne, comme pour lui offrir une pointe de réconfort dans cet état de deuil. Elle ne pouvait faire plus. Qu’importe les mots, qu’importe les beaux discours, rien n’aurait pus suffire pour soulager, pour panser une blessure aussi virulente. Parfois la douleur était telle, que rien ne pouvait venir à bout de celle-ci, pas même le temps. Les yeux dans le vague, Akemi regardait tantôt la mer, tantôt son ami. Perdue dans ses pensées, elle était elle-même envahie par ses démons, par ses peurs et ses angoisses. Mais, plus elle prenait conscience de la situation, plus elle s’accrochait à son nouveau rôle qu’elle devait endosser. Si elle ne se reprenait pas en main, elle ne pourrait aider son gardien, et elle risquerait de le faire plonger encore plus dans le trou béant des ténèbres les plus lancinantes. Il était à présent tant d’être forte, de faire ce qu’elle avait toujours fait depuis petite. Rester au côté de son ami, le soutenir, et l’aider dans ce moment le plus difficile de sa vie. Convaincue par sa nouvelle mission de vie, elle se tourna à nouveau vers l’épéiste qui était justement en train de la regarder. Ils restèrent ainsi, à s’échanger un regard dans le plus bref des silences, jusqu’à ce que le jeune homme décide qu’il était tant, de quitter cet endroit et sa signification. D’un signe de tête, l’invokeuse accepta et avec l’aide du jeune homme, elle se releva pour mieux lui faire face. Sa main se dénouant de la sienne, la brunette n’eut pas le cœur à refuser sa veste, lançant un timide « merci » avant de se tenir à ses côtés pour marcher jusqu’à la maison de Seiji.
Respectant le silence de leur marche, la demoiselle n’avait pus s’empêcher de regarder son ami à l’approche de ce bâtiment emplis de souvenir d’enfance. L’épreuve semblait plus difficile encore que celui de la plage et avec douceur, elle le suivit sans rien dire, sans prononcer le moindre son. En voyant sa main tremblante, elle sentit le désir fugace de lui prendre cette main, pour mieux le rassurer, mais elle n’en fit rien. Elle devait le laisser prendre conscience de lui-même. Lui laissait le temps d’assimiler l’information. D’accepter tout simplement. Quand il se tourna vers elle, Akemi lui prêta une oreille attentive, avant de le regarder à son tour. Il était évident que Seiji était bien plus fatigué qu’elle. Il n’avait pas du dormir quand il eut appris la nouvelle et n’avait dû prendre de repos après le combat contre le squame à cause de cela. Elle voulait lui dire de se reposer, qu’elle s’occuperait de tout, mais elle n’avait pas le cœur à lui énoncer ses mots. Elle savait qu’il n’accepterait pas, qu’il refuserait de s’asseoir par peur de ne plus avoir le contrôle de ses émotions. Il voulait s’occuper l’esprit, c’était évident. N’importe qui aurait pus le deviner. Enlevant la veste qui recouvrait ses épaules pour la poser avec soin sur une chaise, Akemi se rapprocha alors de la cuisine à son tour. Un sourire bienveillant se dressait ses lèvres rosées tandis qu’elle se positionna à côté de son gardien. « Je vais t’aider. Est-ce que tu veux quelques choses en particulier ? » Ses paroles étaient douces et bien qu’elle voulait lui remonter un peu le moral avec un plat, elle voulait surtout lui faire penser à autre chose, le temps d’y réfléchir et de le préparer. Alors qu’elle allait s’atteler à la tâche, elle entendit la porte de la bâtisse résonner timidement, indiquant que quelqu’un se tenait derrière. Indiquant à son gardien qu’elle y allait pour ouvrir, la prêtresse put découvrir que ses parents se tenaient derrière. Sa mère à la mine fatiguée et triste tenait un plat dans ses mains, tandis que son père se tenait derrière elle, le visage mélancolique et inquiet.
« Seiji n’est pas avec toi ? »
« Si, il est dans la cuisine. On… Maman ? »
Sans attendre, Rena la mère de la jeune femme pénétra dans le salon avec lenteur, regardant les lieux longuement, comme si elle revivait chacun de ses souvenirs. Derrière elle, Akira et Akemi regardait celle-ci d’un air inquiet avant de s’avancer à leur tour pour mieux voir celle-ci aller dans la cuisine. D’un geste léger, elle déposa le plat sur un meuble de la cuisine, avant de s’approcher doucement de Seiji. Elle resta ainsi à le regarder pendant quelques secondes, avant de prendre tendrement le jeune homme dans ses bras. Son corps semblait légèrement secoué, comme si elle retenait ses larmes et d’une petite voix, elle parla à l’encontre de l’épéiste, le serrant de plus en plus fort dans ses bras.
« Ta mère était une femme honorable. Une femme que j’adorais tellement. Je suis tellement désolée Seiji… J’aurais dû l’empêcher d’y aller… J’aurais dû la retrouver… Pardonne-moi… »
Et elle se mit soudainement à pleurer, ne pouvant plus retenir cette tristesse qui l’envahissait. En voyant cela, Akemi voulus s’approcher de sa mère pour la calmer, l’apaiser, mais son père l’en empêcha. Sa main sur l’épaule de sa fille, il regarda celle-ci, sa tête effectuant un signe négatif pour dissuader sa fille. D’un geste, il la poussa à reculer avant de lui glisser quelques mots. « Il vaut mieux les laisser seuls quelques instants. » Se résignant alors, Akemi n’insista pas plus que nécessaire et seule avec son père, elle ne pu cacher sa propre tristesse sur son visage.
« Papa… J’ai peur de ne pas être assez forte pour l’aider… Est-ce que notre présence put vraiment suffire ? » Face à la remarque de sa fille, Akira resta quelques instants pensif, avant de répondre.
« Je pense que oui. Je sais que ça peut te paraître insuffisant et inutile. Mais je pense qu’en ce moment même, ta mère et Seiji ont besoin d’avoir un pilier. Quelqu’un sur qui se reposer le temps d’accepter. »
« Mais tu n’es pas affectée toi ? Tu n’as pas envie de pleurer ou de craquer toi aussi ? »
« Bien sûr que si ma chérie » à ses mots, il s’était abaissée légèrement à la taille de la jeune femme. Bien qu’elle était grande, il continuait à la traiter comme une enfant, mais cette fois, ce fut plus pour lui faire entendre ses mots, pour lui faire comprendre où il voulait en venir. « Cela m’affecte tout autant et j’aimerais partager ma tristesse moi aussi. Mais si je le fais… Je ne pourrais pas aider ta mère aussi bien que là. Si je craque, je n’aurais plus la force de la maintenir hors de l’eau et je coulerais avec elle dans les abysses. Seiji n’à plus que nous, que toi. Et si nous ne sommes pas assez fort, nous ne pourront l’aider dans cette épreuve. Soit courageuse ma fille, je sais que tu peux le faire, après tout, tu ne tiens pas que de ta mère n’est-ce pas ? »
À ses mots, un faible sourire traversa les lèvres d’Akemi. Son père avait raison, si elle se laissait aller aussi, alors, elle ne pourrait plus rien faire à son tour. Et elle ne voulait pas ça. Fermant les yeux, elle repensait à sa discussion avec Ryme entrecoupés par les paroles de son père. La vie était pleine d’épreuve et comme disait Ryme, rien n’est tout noir ou tout blanc. Sentant sa chevelure se faire légèrement frotter par la main de son père, la demoiselle lui adressa un sourire plus grand et sans attendre, les deux rejoignirent à nouveau la cuisine. Laissant son père se rapprocher de sa mère, Akemi regarda de loin la scène, préférant laisser à son père le soin de prendre les rênes. D’un geste doux, Akira attrapa les mains de sa femme pour les défaire du jeune homme de façon à la prendre dans ses propres bras. Doucement, il lui caressa les cheveux, de façon à la calmer avant de se tourner vers Seiji. Généralement, avant cet événement, il passait plus son temps à réprimander le jeune homme, à le traiter de petit con, voir même à le gronder sévèrement, mais cette fois, son regard se faisait compatissant, sans la moindre hostilité tout comme sa voix, qui était calme et posée.
« Aucun mot ne pourra la faire revenir et je pense que tu dois être fatigué d’entendre des condoléances. Nous vous avons apporté un repas pour que vous vous alimentiez. N’hésite pas à venir nous voir si tu as besoin. » D’un geste, il laissa sa femme partir de ses bras pour se diriger dehors de façon à regarder leur demeure, mais avant de partir, Akira apposa sa main sur l’épaule du jeune homme, son regard semblant regarder l’horizon. « Si jamais cela est trop dur pour toi de rester ici. Tu seras le bienvenue chez nous. Nous t’accueillerons les bras ouverts. » Puis, il enleva petit à petit sa main, avant de s’approcher de sa fille à nouveau. Fouillant dans une sacoche, il sortit un petit flacon qu’il donna à Akemi prenant soin de la prévenir de son contenue. « C’est un mélange d’herbe qui aide à s’endormir. C’est au cas où s’il n’arrive pas à dormir. Prends soin de lui. » D’un nouveau geste de main, il caressa la chevelure de sa fille, avant de fermer la porte derrière lui, pour laisser les deux jeunes seuls. Mettant la fiole dans l’une de ses poches, Akemi s’approcha à son tour de son ami avant de regarder le plat qui se présentait sous ses yeux. D’un geste, elle souleva le torchon qui le recouvrait découvrant un plat chaud à base de viande et de fromage. Un genre de plat qui réchauffe les cœurs en temps normal. « Ça à l’air bon. » Doucement, elle recouvrit le plat, avant de se tourner vers son gardien, son corps se penchant un peu, comme pour capter quelques choses. « Est-ce que tu veux autre chose ? Je pourrais comprendre que tu veux manger quelques choses de plus léger. Si tu n’as plus le cœur à cuisiner, je peux aller te préparer un bain. Cela pourrait te faire un peu de bien, puis… Il faudrait examiner tes blessures pour éviter qu’elles ne s'infectent. » Elle parlait avec douceur et bienveillance. Son visage se faisant le plus calme possible. Elle ne devait pas se laisser ronger par ses sentiments négatifs. Pour le moment, comme lui avait dit son père, elle devait prendre les choses en main. Devenir le pilier de son gardien le temps que sa plaie cicatrice doucement. Elle se doutait que la présence de ses parents avaient du légèrement chambouler le jeune homme, aussi elle tenait à le rassurer, mais aussi à l’apaiser autant que possible.