Cillian
Monsieur tout le monde
Je l'écoute avec toute l'attention que je peux avoir à ce moment, braquant vers elle le peu de conscience que j'ai. Elle semble respecter ce que je veux. Et je lis dans ses yeux que ce n'est pas dit pour le principe, pour me faire plaisir. Mon ventre de tords un peu. Je lutte contre l'idée fugace de la faire taire là maintenant en l'embrassant. Mais je lui ai demandé de me répondre. Elle me dit que peut être, mes parents avaient compris que je n'étais pas fait pour rester en place.
C'est une chose à laquelle j'ai pensé. Chaque année, une partie de la jeunesse quitte l'île. C'est un fait de vie. Que ce soit pour aller rejoindre les banisseurs, pour aller jouer au Blitzball, ou pour, plus simplement, découvrir un peu le monde. Mais chaque année, au moins autant reviennent, que ce soit en visite ou définitivement. Si on peut quitter l'île, au final, il est très rare que l'île nous quitte. Tout les parents nourrissent … Peut être pas l'espoir, mais la hâte de voir leur fils ou leur fille revenir. Peut être avec un époux. Peut être avec des enfants. Peut être pour une semaine. Peut être pour la vie. Mais revenir. Moi, normalement, j'étais parti sans retour possible.
Je continue de l'écouter en silence. Je me demande un peu si, au fond, elle ne projette pas ce qu'elle aimerait sur ma mère. Mais ce n'est pas grave. Après tout, qui pourrait lui reprocher ? Et je m'en veut un peu, de la priver de ça. Peut être qu'au fond, je pourrai en prendre une pour elle. La laisser avoir ma mère. Avoir mes parents. Avoir ma famille. Peut être qu'elle à besoin de ça. Plus que moi j'ai besoin de laisser ma colère et ma rancœur parler. Et sincèrement, si il y a une personne sur cette boule de boue qui mériterait ça, c'est bien elle. Et étrangement, cette idée me calme un peu. Pardonner, ou feindre le pardon, si c'est uniquement pour moi, ça ne me plaît pas. Mais faire un effort pour elle, c'est la moindre des choses, je pense .
Elle pose ses lèvres sur mon menton et mon monde papillonne. Son regard cherche le mien, et je viens volontiers à sa rencontre en étirant ma bouche en un sourire. Que je perds un peu quand elle s'éloigne. Mais je comprends. Doucement, lentement, je passe la main dans mes cheveux. Qu'est ce que je veux faire ? C'est une bonne question. Retourner au marché me semble compliqué. Enfin, que j'en profite vraiment. Mais après … Est-ce que je peux laisser mes troubles guider ma vie ? En tout cas, il y a une chose dont je suis sur.
« J'ai été seul assez longtemps pour une vie je pense. »
Doucement, je m'approche d'elle. Je n'ose pas la serrer contre moi. Après tout, si elle s'est éloignée, c'est qu'elle a des raisons, non ?
« Et puis, on a uniquement quelques jours de tranquillité avant que le monde nous rattrape. Je vais rien laisser gâcher ça. »
Doucement, je me retourne vers la ville. Là dedans, il y a ma mère. Et je ne peux pas fuir. Je ne veux pas fuir. Je tends la main vers Ryme.
« On va y retourner. Finir le marché. Et si on tombe sur ma mère, je discuterai un peu avec elle. Peut être organiser une rencontre. Pas à la maison. »
Je respire un grand coup et bombe le torse.
« Non. On ira voir ma mère. Enfin, si ça te va. »
Je sais, au fond de moi, que ça lui va. Mais je ne peux pas m’empêcher de lui demander.
« A la fin du marché par contre. Je veux finir d'en profiter tranquillement avec la femme que j'aime. Je ne sais pas toi, mais j'ai le sentiment que toi et moi avons mérité ça. »
Je tourne le visage vers elle et lui sourit. J'ai envie de lui faire des câlins en fait. Un courant d'air me rappelle une réalité de la vie.
« Par contre, il me faudrait mon cache-oeil, si ça ne te dérange pas. J'ai pas envie de faire vomir les gens. »