Cillian
Monsieur tout le monde
Et effectivement, le chef des banisseurs pourra être un problème. Ravi de raconter cette histoire ? Je ne pense pas. Cependant, bon. Pourquoi pas après tout. Je préfère qu'elle l'entende de ma part plutôt que dans une soirée par un membre de la famille un peu trop arrosé. Je soupire un peu. Je n'ai pas envie de passer par là, mais je sais qu'il va falloir le faire. C'est un fait. C'est infect, mais c'est un fait. Je ronchonne un peu quand il dit que je pourrais être un soucis. Si ça fait chier, je peux aussi bien partir hein. Je savais que revenir est une mauvaise idée. Encore une fois, Ryme m'appelle son navet. Je lui tire la langue et la regarde aller jusque la coiffeuse.
C'était une discussion intéressante. Pas ma préférée, mais bon. On ne peut pas toujours parler comme je le voudrai. Surtout que, plus ou moins, cela signifierait qu'on ne parlerait pas. Mais bon. Je vais travailler avec l'église. Hah. Si on m'avait dit ça il y a un mois, je pense que j'aurai rit. Ou pleuré. Je ne sais pas. Mon cœur est lourd. Bien plus qu'avant cette discussion en tout cas. Il va falloir que je fases attention. A ce que je dis. Ce que je fais. Je risque d'attirer les béni oui oui après tout. Pas le genre de gens devant qui il est de bon ton de parler du clergé en des termes négatifs. Et bon, je n'ai pas vraiment envie de causer des soucis. Pas que je m'inquiète pour ma famille. Non. Loin de là. Mais je n'ai pas envie de complications. Je regarde Ryme se préparer. Surtout pas pour elle. Elle ne mérite que le mieux. Que le plus grand des calmes. Elle mérite que je fasse des efforts. Je soupire un peu avant de me relever. Je dégouline. D'un geste lent, j'attrape un pain de savon avant de me frotter. Autant essayer de faire semblant de pouvoir être présentable, non ? Après tout, je ne veux pas ficher la honte à la plus belle femme du monde.
« Si tu veux, je peux déjà te raconter des trucs. »
Je lui adresse un sourire un poil forcé. Je n'ai pas envie, mais comme dit plus haut, je préfère que ce soit moi qui raconte. Au moins, je sais que ce sera la vérité qui sera dite. Suivant les personnes, on me fera passé soit pour un héros, soit pour un bourreau. Et je ne suis ni l'un, ni l'autre. Je commence à ressembler a un bonhomme de neige, avec toute la mousse.
« Pourquoi le chef de banisseurs ne m'aime pas, par exemple. »
J'ai le sentiment que c'est la plus grande des histoires qui m'est arrivée ici. Je crois. Je ne vois pas autre chose, là comme ça. Mais après, qui sait ce que j'ai bien pu oublier ? Bref.
« Alors. Ce qu'il faut savoir, c'est que le chef des banisseurs à un fils. Holma. Il a quoi ? A peu près mon âge ? Peut être un peu plus vieux. On va sûrement le voir ce soir, si il ne s'est pas cassé de l'île. Mais vu comme c'est un fils à papa, je doute qu'il se soit barré. Bref. »
Je marque une petite pause et commence à me rincer.
« Un gros con, cet Holma. Vraiment. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a pas des masses de notables sur l'île. C'est pas comme dans les villes du continent, où y'a genre des chefs d'entreprise, tout ça. Ici, le chef des banisseurs, c'est un gros poisson. Et seigneur Yevon, Holma a pu essayer d'en profiter. Depuis tout gamin, il a toujours été horrible. Le genre ç vouloir toujours passer premier, a faire chier le monde en se disant que personne oserait rien faire contre lui parce que son père c'est le chef des banisseurs. Tu vois le genre ? »
Il doit y avoir ce genre de petits enculés dans les orphelinats de l'église. C'est forcé. Dans les Voix aussi, sûrement. Elle a du en connaître, des cons qui utilisent leur famille, ou leurs relations, pour obtenir ce qu'ils veulent.
« Bref. Et personne osait rien faire. Et comme bien sur, au moins on osait répliquer, au plus il prenait des libertés avec nous. Le pouvoir appelle le pouvoir. »
Je soupire avant de sortir de la baignoire et de m'entourer d'une serviette. Je commence à me sécher.
« Un jour, j'en ai eu marre. Je … Je suis incapable de te dire pourquoi. Ce qui m'a poussé. Tout ce que je me souviens, c'est que je lui ai cassé la figure. Salement. Ils ont du se mettre à plusieurs pour nous séparer. Enfin, non. Pour me séparer de lui. Parce que bon, comme il pensait que la réputation de son père ferait tout, il n'avait jamais songé à genre apprendre à se défendre ou rien. »
Je soupire. Je n'étais pas le plus malin des hommes. Doucement, je me dirige vers elle et pose mes lèvres sur ses cheveux.
« Tu m'aimes quand même hein ? Même si j'étais un gamin qui tapait sur ses camarades ? »
C'est dit sur le ton de la boutade, mais au fond de mon œil, y'a quand même un éclat de peur.