La pluie s’abattait partout à travers la ville. Les chaussures de Seiji s’enfonçaient dans l’eau à chacun de ses pas, tandis que ses épaules pliaient sous la morsure glaçante des gouttes qui traversaient ses vêtements. Il avait été surpris par les premières gouttes de pluie, et avait décidé de rejoindre l’hôtel avant que la météo empire. Une mauvaise décision, considérant que la petite averse s’était rapidement transformée en pluie diluvienne.
Quelques minutes plus tard, Seiji poussa enfin la porte de l’hôtel. Il referma derrière lui sans ménagement, et soupira de soulagement. Ses cheveux ruisselaient d’eau, et son gilet gorgé d’eau lui semblait affreusement lourd et collant. Le propriétaire des lieux lui lança un regard amusé, et lui conseilla de monter se changer. Seiji s’exécuta, une jolie trainée d’eau dans son sillage.
Quand il poussa la porte de la chambre, son regard se posa sur la silhouette d’Akemi, enfoncée dans un fauteuil.
« Salut. » la porte refermée, Seiji s’avança vers la jeune femme et extirpa un sac en kraft dissimulé sous sa veste, dans une vaine tentative de le protéger de l’eau. La paroi extérieure était légèrement humide, mais le contenu était intact. Il tira de son sac un assortiment de fruits frais, et une jolie tartelette à la fraise.
« Je me suis dit que tu aurais besoin de prendre des forces. » la journée précédente avait été particulièrement éprouvante, et ils n’avaient pas encore eu l’occasion de prendre du repos. Sa livraison déposée sur la petite table près du fauteuil, Seiji posa un œil renfrogné sur sa tenue, focalisé sur la sensation désagréable du tissu qui collait contre sa peau.
« Je vais me changer. » Seiji se dirigea vers la salle de bain, pestant contre la pluie tandis qu’il retirait ses vêtements. Il poussa machinalement la porte avec son pied, bien décidé à se passer sous l’eau pour se débarrasser de cette sensation moite qui couvrait sa peau, et du frisson glacé qui s’enfonçait jusque dans ses os.
* * *
Chaque journée avait succédé à la précédente, sans autre réelle différence que la météo changeante de la cité portuaire. Grâce à leurs quelques économies, les deux jeunes gens disposaient d’un pied à terre dans la ville. Les frais d’auberge avaient engendré des frais, et si les deux amants avaient travaillé à plusieurs occasions, Seiji s’était assuré que le rythme soit plus raisonnable que ne l’avait été leur première journée à Luca. Cette brève halte dans leur aventure semblait à la fois très étrange et pourtant rafraichissante, tant et si bien que Seiji n’avait pas encore abordé le sujet de la suite du pèlerinage. Il ignorait si les intentions de la jeune femme avaient changé au vu des récents événements, et d’une certaine manière, il en redoutait la réponse. Il en était à ce point de sa réflexion, se découvrant une étrange fibre introspective tandis qu’il rangeait ses vêtements dans le placard, quand on frappa à la porte de la chambre. C’était bien la première fois que l’aubergiste les interrompaient au fil de la journée, et tout en ouvrant la porte, Seiji posa sur lui un regard perplexe.
« Je crois que cette personne vous cherche… » une seconde silhouette émergea avant que l’aubergiste ne termine sa phrase, poussant négligemment le vieil homme.
« Je le savais ! Une tignasse rose et un air grincheux, c’était forcément toi ! » Seiji recula d’un pas, prit de court par le grand sourire qui trônait fièrement sur les lèvres de la jeune femme de l’autre côté de la porte. Elle avait une expression joueuse, visiblement satisfaite de son entrée. Ses cheveux noirs tombaient au-dessus de ses épaules, s’arrêtant à la pointe d’un visage plutôt fin. Son teint halé soulignait son regard bleu acier, qui pétillait de sincérité.
« Donc tu traines dans le coin, et tu ne viens même pas dire bonjour ? » la jeune femme pénétra dans la chambre sans plus de manière. Derrière elle, l’aubergiste s’était déjà éclipsé.
« Lena, tu pourrais éviter d’entrer comme ça… » Seiji se tourna brièvement vers le coin de la pièce, et en suivant son regard, Lena tomba nez-à-nez avec Akemi. Ses grands yeux s’ouvrirent, son sourire s’étirant de plus belle.
« C’est elle hein ? C’est elle ? » Seiji lui lança un regard noir. Il s’apprêta à répliquer, mais la nouvelle venue avait déjà fait deux pas en direction d’Akemi.
« Salut ! Moi c’est Lena. Seiji et moi, on a passé pas un peu de temps ensemble… » elle plissa légèrement ses paupières en scrutant la réaction de la jeune femme, un petit sourire mesquin au coin des lèvres.
« … du temps où il travaillait avec les Bannisseurs. » Lena afficha une expression plus joviale, et étrangement bienveillante.
« Tu dois être Akemi. Il a parlé de toi, quand on a enfin réussi à lui faire dire deux ou trois trucs. » un sourire aux lèvres, Lena tendit une main amicale à la jeune femme.
« Contente de te rencontrer ! » Seiji soupira, une moue renfrognée sur le visage.